Roland-Garros 2023Le médecin qui murmure à l’oreille des joueurs
Vincent Guillard est le médecin en chef du tournoi parisien. C’est lui qui a discuté avec Gaël Monfils de sa blessure, qui a conduit le Français à jeter l’éponge. Il raconte son rôle.
- par
- Daniel Visentini Paris
On les voit en coup de vent, entre deux jeux, rentrer en courant sur le court, avec ce sac en bandoulière et s’agenouiller devant l’athlète assis sur sa chaise au changement de côté. Les discussions sont brèves, le temps est compté: le médecin des joueurs de tennis doit poser un diagnostic comme on annonce un résultat: clairement et rapidement.
Le docteur Vincent Guillard, 50 ans, a déjà douze Roland-Garros dans sa besace. Il est le médecin responsable du tournoi pour la Fédération française de tennis. Il a accepté de lever le voile sur son rôle, sur les décisions qu’il peut suggérer ou pas, sur ses relations avec les joueurs. Le docteur Guillard, c’est l’homme qui a assisté Gaël Monfils il y a deux jours quand, après une fin de match inouïe, le Français est allé puiser dans ses réserves et au-delà la force d’arracher la victoire. Avant, le lendemain, de devoir jeter l’éponge, touché au poignet.
Docteur Guillard, vous étiez à ses côtés, comment cela s’est-il passé avec Gaël Monfils? On l’a vu avec des crampes sur la fin du match. Mais comment le processus décisionnel, ensuite, a-t-il fini par conduire à son forfait?
Ce n’est jamais moi qui prend la décision. Celle-ci revient à l’athlète. Mon rôle, et c’est le cas pour n’importe quel joueur, c’est d’évaluer la situation, la gravité de la blessure, et d’expliquer très clairement les risques qu’encourt le joueur s’il veut continuer.
Mais pour avoir entendu Gaël Monfils en parler, on a le sentiment que c’est le corps médical, donc vous puisque vous êtes celui qui lui a parlé, qui lui a dit «stop»?
C’est sans doute comme cela qu’il l’a perçu ou qu’il l’a présenté en conférence de presse.
Cela ne s’est pas passé comme cela?
Mon rôle est d’être précis. Il n’y a pas de négociation, mais une discussion. Avec Gaël, mais cela vaut pour tous les joueurs, il y a eu des examens tout de suite, après la rencontre. Une échographie. Et une IRM. Nous avons déjà pu évoquer la gravité de sa blessure à ce moment. Ensuite, le lendemain, il y a eu encore un arthroscanner. Je ne suis pas là pour dire si telle ou telle blessure est incompatible avec l’exercice du tennis. Tout cela peut d’ailleurs varier en fonction des risques encourus. Une personne jeune de 20 ans qui a encore des tournois qui suivent et une carrière devant elle, ne sera pas dans la même situation qu’une autre, qui jouerait son dernier Roland-Garros avant de mettre fin à sa carrière. Mais dans tous les cas, je dois expliquer distinctement les risques si le joueur veut continuer. Avec les conséquences sur la suite, la durée en cas d’aggravation de la blessure par exemple.
En fonction de toutes ces informations, Gaël Monfils a-t-il pris la bonne décision?
Oui, je le pense.
C’est toujours le joueur qui décide, vous l’avez dit. Existe-t-il un cas de figure dans lequel vous avez le pouvoir de lui interdire de jouer?
Ce n’est encore jamais arrivé, mais c’est possible. Dans une seule circonstance: s’il y a un problème cardiaque, un risque vital. Dans ce cas seulement on peut interdire à un joueur d’aller sur le court.