Conflit Israël-HamasLes familles des otages israéliens livrées à elles-mêmes
Le gouvernement israélien n’a pas fait état d’un canal de négociation officiel. Les discours des autorités font craindre aux familles que la stratégie militaire soit d’abandonner les captifs.
La colère des familles des otages israéliens monte après le rapt de dizaines de personnes par le Hamas palestinien et l’absence de toute information sur leur sort ou de canal officiel de négociation. Après une semaine de flou, le gouvernement a recensé 120 otages, civils et soldats, israéliens ou étrangers. Ils pourraient au total être 150, adultes, enfants et nourrissons emmenés dans le territoire palestinien sans savoir s’ils sont vivants ou morts. Avec parfois une preuve de vie sous forme de vidéo, d’un bornage téléphonique, ces familles en appellent à «toute personne, organisation, pays» pouvant les aider à faire libérer leurs proches.
«Ce sont des civils innocents. Ils ont des droits. La pression doit être mise sur la Turquie, l’Egypte pour que la Croix-Rouge puisse leur rendre visite», a plaidé samedi lors d’une conférence de presse Yfrat Zailer, la tante de Kfir (9 mois) et Ariel (4 ans) Bibes, kidnappés samedi avec leur mère Shiri. «Nous devons les ramener en vie à la maison. Ils ont été kidnappés en vie, ils doivent le rester», a-t-elle martelé en pleurs devant les caméras.
«Nous ne négocions pas avec l’ennemi»
En représailles à l’attaque lancée le 7 octobre par le Hamas, l’armée israélienne bombarde depuis des jours la bande de Gaza, un petit territoire pauvre sous le contrôle du mouvement palestinien, en état de siège et coincé entre Israël et l’Egypte. Les frappes ont fait plus de 2300 morts côté palestinien, la plupart des civils, dont plus de 700 enfants, selon les autorités locales.
Au moins cinq Israéliens et quatre étrangers otages du Hamas à Gaza ont été tués par des frappes israéliennes au cours des dernières 24 heures, et 22 depuis samedi dernier, a affirmé samedi la branche militaire du Hamas, sans que cela ne soit confirmé par une autre source. L’armée, lors d’une incursion, a localisé des «cadavres» de certains d’entre eux, a-t-elle annoncé samedi.
Pour le moment, Israël n’a évoqué aucun canal de négociation, mais a désigné «un référent» pour les familles, Gal Hirsch, un général déchu embourbé dans une affaire de corruption, dont la nomination a été décriée. «Nous ne négocions pas avec un ennemi que nous avons promis d’éradiquer de la surface de la terre», a déclaré samedi le conseiller à la sécurité nationale du gouvernement israélien, Tzachi Hanegbi.
Stratégie «d’abandonner»
Pour Ronen Tzur, un célèbre communicant propulsé porte-parole des familles, «cela signifie purement et simplement que le gouvernement israélien a choisi comme stratégie d’abandonner les captifs et les disparus.»
Les proches des otages se sont regroupés samedi en un «Forum des familles d’otages et de disparus», une organisation censée faire pression sur le gouvernement israélien et la communauté internationale pour obtenir leur libération. Concrètement, une centaine de volontaires ont investi en 24 heures les locaux d’un cabinet d’avocats, ouvert huit divisions, gérant «des négociations diplomatiques», «l’accueil des familles», les réseaux sociaux ou la levée de fonds. A l’origine de ce QG, situé dans le centre de Tel-Aviv, un homme d’affaires qui préfère rester anonyme, passant d’un «coup de fil avec un conseiller du Vatican» à une commande de pizza pour les équipes. «Samedi dernier quand j’ai compris ce qu’il se passait (avec les otages, ndlr) j’ai immédiatement pensé que cette guerre, pour une fois, je ne la mènerai pas en uniforme, mais en ouvrant mon carnet d’adresses», explique ce cinquantenaire également officier de réserve.
Le forum est en lien avec les organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge, à qui il demande de négocier un accès humanitaire et un droit de visite aux otages. «Nous avons formé cette équipe d’une vingtaine d’anciens diplomates, mais derrière nous il y a des cercles qui regroupent tous les pays du globe. Nous sommes là pour donner notre expérience, nos idées, nos contacts au service de ce magnifique projet de la société civile qui est de soutenir les familles», explique à l’AFP l’ancien diplomate et ambassadeur israélien en France, Daniel Shek. Alors qu’une partie de la population est très critique à l’égard des autorités après le revers sécuritaire historique subi par Israël, le diplomate assure que ce canal parallèle «ne remplace pas le travail du gouvernement».