Union EuropéenneDurable et pas cher, le textile «made in Portugal» revient à la mode
Décimée par des délocalisations dans les années 2000, l’industrie textile portugaise croule à nouveau sous les commandes grâce à sa main-d’œuvre bon marché et sa capacité d’innovation.
Après la vague de délocalisations des années 2000, l’industrie textile portugaise a retrouvé des couleurs, devenant un acteur majeur en Europe grâce à sa souplesse et sa main-d’œuvre bon marché, alliées à un effort d’innovation axé sur l’environnement.
Près de Vila Nova de Famalicao, dans le district de Porto (nord), l’usine Riopele est plongée dans le bruit assourdissant des près de deux cents machines à tisser dernier cri, qui tournent à plein régime 24 heures sur 24, six jours sur sept. Un des fleurons d’une industrie ancrée dans la vallée de l’Ave – du nom de la rivière qui traverse la région du textile –, la société fondée en 1927 et son millier de salariés croule à nouveau sous les commandes après le trou d’air provoqué par la pandémie de Covid-19.
Nouvelles techniques
Chaque jour, l’usine produit quelque 40’000 mètres de tissu, dont 98% destinés à l’exportation. Elle compte parmi ses clients des groupes comme l’espagnol Inditex, propriétaire de Zara, ou la marque américaine Tommy Hilfiger. Cette clientèle valorise une «capacité à être différent» de la concurrence étrangère, explique la directrice du groupe Riopele, Albertina Reis, en citant sa capacité à utiliser de «nouvelles techniques» de production durable sans transiger sur «l’esthétique».
Pourtant, la filière revient de loin. Secouée par les délocalisations d’entreprises parties en Asie pour réduire leurs coûts de production, elle a perdu entre 2000 et 2015 près de 100’000 emplois sur les 235’000 recensés au début de cette période. Depuis, le secteur s’est remis à embaucher dans un pays où le salaire minimum est actuellement de 705 euros mensuels sur 14 mois, soit l’un des plus bas de l’Union européenne après celui des pays de l’Est.
Exportations records
L’exportation de produits textiles portugais, qui trouvent en Espagne et en France leurs principaux débouchés, a atteint l’année dernière le chiffre record de 5,4 milliards d’euros, grâce à une hausse de 16,4% sur un an, selon l’Association du textile portugais (ATP). Ce succès s’explique aussi par la capacité de la filière à «s’adapter au marché» qui, après les perturbations dues à la crise sanitaire, préfère désormais des «chaînes de production de proximité», souligne le président de l’ATP, Jorge Machado.
La région de Vila Nova de Famalicao s’est ainsi dotée depuis une trentaine d’années d’un institut technologique du textile et des vêtements, qui planche sur de nouvelles fibres produites à partir de matériaux recyclés ou des teintures à base de produits naturels.
Un secteur très énergivore
Pourtant, l’envolée des prix du gaz et de l’électricité provoquée par la guerre en Ukraine pénalise gravement un secteur qui consomme beaucoup d’énergie. Malgré les aides de plusieurs milliards d’euros annoncées par le gouvernement portugais pour soutenir les entreprises, les industriels du textile réclament un plan coordonné au niveau européen pour éviter les distorsions de concurrence. Cela «éviterait de créer une compétition» entre pays européens, observe également le directeur général de la Confédération européenne de l’habillement et du textile (Euratex», Dirk Vantinghem.