Les jeux en ligne, nouveau terrain de chasse des cartels

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Lutte antidrogueLes jeux en ligne, nouveau terrain de chasse des cartels

Les dealers et cartels squattent des plateformes prisées par les joueurs pour leur vendre de la drogue ou recruter des petites mains.

Laurent Favre
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Laurent Favre
Au Mexique. des trafiquants sont actifs sur le jeu «Garena Free Fire»

Au Mexique. des trafiquants sont actifs sur le jeu «Garena Free Fire»

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Les enquêteurs des services antidrogue du monde entier vont bientôt devoir développer de nouvelles compétences… dans les jeux vidéo en ligne, des plateformes de plus en plus utilisées par dealers et cartels pour vendre de la drogue ou recruter des petites mains. Afin d’alerter sur ce problème, le Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions («Groupe Pompidou»), qui rassemble 41 pays, organise avec les autorités mexicaines, en pointe sur ce sujet, un forum les 19 et 20 décembre à Mexico pour se pencher, entre autres, sur ce dossier.

Les trafiquants de drogue ne sont plus seulement équipés d’armes en tous genres: «ils sont très à l’aise avec les nouvelles technologies, à l’image du célèbre cartel de Sinaloa, dont le compte Twitter possède plus de 100’000 abonnés» (ce compte a été suspendu sur le réseau social X), explique Benjamin Shultz, analyste de l’influence étrangère malveillante chez Deloitte, à l’occasion d’un exposé au Conseil de l’Europe.

Le terrain de chasse des cartels pour vendre de la drogue ou recruter du personnel s’est modernisé et étendu, et les jeux en réseau du type Grand Theft Auto ou «World of Warcraft» par exemple sont des endroits rêvés pour opérer en toute tranquillité. Selon M. Shultz, environ 60% des joueurs en ligne ont moins de 35 ans et une majorité sont de jeunes hommes, cibles privilégiées des trafiquants.

Darknet surveillé

«Le darknet perd en popularité auprès des cartels, parce que les autorités sont devenues assez efficaces pour le surveiller. Mais les jeux vidéo sont un champ de ressources très important, et ils ne sont quasi-pas surveillés», reprend M. Shultz.  «Dans les jeux en ligne, mon personnage peut entrer en relation avec n’importe quel autre joueur, des adolescents peuvent ainsi discuter avec de parfaits inconnus, et il n’y a pas beaucoup de contrôles», poursuit ce spécialiste en cybercriminalité. Les messageries internes de ces jeux en ligne sont en effet extrêmement difficiles à surveiller… surtout quand les trafiquants entrent en contact avec de jeunes joueurs par le biais d’émoticônes.

Aux États-Unis par exemple, l’émoji prise électrique signifie pour les initiés «dealer». Le petit palmier à l’air innocent? «Marijuana». La clé? «Cocaïne». Et toute une conversation peut s’improviser uniquement avec ces petites icônes, sans qu’aucun mot suspect ne fleurisse dans les tchats.

La police au Mexique a été la première à repérer ce type de pratique et rapporte le cas de trois adolescents âgés de 11 à 14 ans, contactés initialement par des trafiquants sur le jeu «Garena Free Fire». Ils leur ont proposé 200 dollars par semaine pour servir de guetteurs dans le nord du Mexique et la personne qui les a contactés leur avait déjà acheté des tickets de bus. Le recruteur a dit en substance aux trois garçons qu’ils allaient adorer le job qu’il leur proposait «puisque vous aimez les armes (comme dans le jeu vidéo violent auquel ils jouaient) et vous allez vous faire beaucoup d’argent». Le trio a été intercepté avant d’embarquer dans l’autocar.

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