Coupe du monde de skiA Val-d’Isère, la «crêpe Gigi» pour digérer l’échec olympique
La station française, qui accueille des épreuves de Coupe du monde masculines ce week-end, a perdu les Jeux olympiques 2030. Mais pas l’esprit des «Bronzés font du ski». Reportage.
- par
- Sylvain Bolt Val d'Isère
«Les Jeux olympiques sans Val-d’Isère, c’est comme Paris sans la tour Eiffel». Patrick Martin est un Maire de Val-d’Isère dépité mais pas résigné. «Même si on a un 1% de chance d’inverser la décision, on se battra jusqu’au bout!» lâche-t-il dans une salle de cinéma du Centre de Congrès de sa station. Le coup de fil de Laurent Wauquiez, vendredi dernier, aurait pu éteindre sa flamme.
Car le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes lui annonçait alors que Val-d’Isère était retirée du plan des Jeux olympiques 2030.
Deux jours plus tôt, la candidature française avait pourtant été retenue par le CIO, au détriment notamment du dossier suisse. «Val» qui était censée accueillir des épreuves de ski alpin, était victime du resserrement des sites demandé par le CIO. Ici, même l’épais manteau neigeux qui a recouvert la station n’efface pas la désillusion. Les champions locaux montent au créneau. Jean-Claude Killy, s’est dit «attristé et scandalisé». Le triple champion olympique en 1968 «pense qu’il est important de reconsidérer cette décision.»
Ex-skieuse devenue patronne des courses de Val-d’Isère, Ingrid Jacquemod est au bord des larmes: «La dernière semaine ça a été un peu l’ascenseur émotionnel.» Clément Noël, champion olympique de slalom en 2022, défend les pistes qui l’ont vu grandir à ski: «pour moi la station qui a le plus d’histoire, de passé, c’est Val-d’Isère. Il y a la Face de Bellevarde, la piste Oreiller-Killy, les JO 1992, les Mondiaux 2009, les sœurs Goitschel. C’était logique de voir Val-d’Isère dans les plans, j’espère que la décision n’est que temporaire.»
Patrick Martin, lui, multiplie les lettres: «J’ai écrit à la ministre des Sports (Amélie Oudéa-Castéra), à la Première ministre (Élisabeth Borne), au président de la République (Emmanuel Macron), au directeur général du CIO… Je veux juste qu’on m’écoute, qu’on puisse faire partie des discussions.» Comme un certain Jean-Claude Duss, le Maire de la station de Haute-Tarentaise n’a pas perdu espoir de… conclure avec le CIO.
Plus de quarante ans après le tournage des «Bronzés font du ski» à Val-d’Isère, le télésiège «Bellevarde Express» jouxte toujours la face qui accueillera samedi le géant masculin, remporté par Marco Odermatt ces deux dernières saisons. «Un jour, un mannequin a été placé sur l’un des sièges alors que l’installation était fermée pour rejouer la scène mythique. Des touristes inquiets ont alerté les secours», sourit Chloé Harlé, attachée de presse de l’Office du tourisme, qui nous emmène sur les traces des lieux mythiques du film culte.
Les «Bronzés» sont toujours là
«Quand te reverrais-je, pays merveilleux?» Ici, l’esprit des «Bronzés font du ski», tourné en mars 1979 dans le village, est toujours très présent. Et il permet d’adoucir la «claque» olympique. Devant le restaurant la Grande Ourse, impossible d’être aussi maladroit que Bernard, car le porte-skis est vide. Et de toute façon, «ils ne tomberont pas plus bas.»
Un chalet attire le regard dans les rues enneigées de Val-d’Isère. Son nom? «Le planté de bâton». C’est ainsi que Fernand Bonnevie, le célèbre moniteur de ski de Jean-Claude Duss, avait renommé la maison dans laquelle il a vécu jusqu’à son décès le 26 mai 2013. Un peu plus loin, le magasin de sport de Popeye a été remplacé par un restaurant chic. «J’texpliquerai, j’texpliquerai,…».
Devant le restaurant «La charpenterie», la porte en bois n’a pas changé. On aurait bien tenté de commander une crêpe au «suc». Mais l’établissement, qui abritait la fameuse crêperie de «Gigi» dans le film de Patrice Leconte, est fermé.
Au Val-d’Isère, la réception de l’hôtel où logeait Jean-Claude Duss a totalement changé. Tout est modernisé. Tiens, la crêpe «Gigi» figure au menu du restaurant. «La crêpe Gigi, c’est une fine couche de sarrasin, saisie dessus-dessous et parsemée de pétales de roses tièdes, c’est délicieux!»
On a testé, c’est surprenant et bien meilleur qu’attendu. Finalement, comme pour les JO et Val-d’Isère ou pour Bernard et Jean-Claude, «on sait jamais sur un malentendu, ça peut marcher.»