Divorces et conflits: Pourquoi un Tribunal de la famille s’impose en Suisse

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Divorces et conflitsPourquoi un Tribunal de la famille s’impose en Suisse

La Constituante valaisanne a fait le choix surprenant d’un Tribunal de la famille. Entretien avec le Vaudois Julien Dura, spécialiste des conflits familiaux, pour qui toute la Suisse devrait s’engager dans cette voie.

Eric Felley
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Eric Felley
Institué dans de nombreux pays, le Tribunal de la famille traite exclusivement des conflits familiaux liés à des divorces avec des enfants.

Institué dans de nombreux pays, le Tribunal de la famille traite exclusivement des conflits familiaux liés à des divorces avec des enfants.

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Lors de son assemblé du 4 octobre dernier, la Constituante valaisanne a créé la surprise en décidant d’inclure dans son projet la création d’un Tribunal de la famille. C’est la conséquence de l’insatisfaction actuelle sur la façon dont sont résolus les conflits familiaux dans le canton. Julien Dura, spécialiste des questions familiales et président du nouveau Mouvement parents enfants et jeunesse (MPEJ), y voit le signe, dans un canton plutôt conservateur, d’une évolution positive qui devrait en inspirer d’autres. Entretien.

Quelle insatisfaction constatez-vous aujourd’hui dans le règlement des conflits familiaux?

Actuellement, c’est la justice ordinaire qui règle les conflits familiaux avec divers intervenants sociaux. Cela fait 25 ans que je suis cette évolution. Les divorces sont de plus en plus difficiles à gérer. Les juges et les services sociaux sont souvent dépassés par des procédures, dont ils n’ont pas la formation pour une prise en charge optimale. La plupart des interventions sont arbitraires et des parents accusés à tort. En 25 ans d’expérience du droit de la famille, j’ai constaté davantage de dégâts que de satisfaction.

Le concept de Cochem

N’existe-t-il pas de nouvelles formes de médiation?

Il y a trois ans, la ville de Monthey dans le Bas-Valais a mis en place le «Concept de Cochem», qui est une procédure basée sur la médiation. Ce modèle porte le nom d’une petite ville de l’ouest de l’Allemagne, dans laquelle un juge avait ordonné pour la première fois, en 1992, l’application d’une coopération pluridisciplinaire entre tous les intervenants habituellement impliqués dans une procédure de divorce problématique avec enfants (juge, avocats, service de l’enfance, psychologues, pédopsychiatres, etc.) pour obtenir de meilleurs résultats.

Comment s’est-il répandu?

Après avoir été introduit dans plusieurs autres pays d’Europe, comme la Belgique les Pays-Bas ou le Danemark, le concept a fait enfin son chemin en Suisse. Les cantons de Bâle-Ville, de Genève et du Valais ont lancé des projets pilotes. Le canton de Vaud a prévu, à partir de fin 2022, de le tester dans l’Est vaudois, dans les districts de la Riviera-Pays d’Enhaut, de Lavaux-Oron et d’Aigle.

Des situations conflictuelles coûteuses

Quels sont ses avantages et ses inconvénients?

Ce modèle a permis une meilleure coordination et avancée des dossiers entre toutes les parties prenantes à la procédure, mais on constate qu’il n’est efficace que dans le cas de séparations faiblement ou moyennement conflictuelles. Si la situation est plus grave, les recours contre les décisions s’accumulent tout autant. Ils sont toujours traités par les tribunaux seuls et appauvrissent les parents en raison des coûts de procès ou des frais d’assistance judiciaire à rembourser. Sans oublier que cette médiation met en présence les mêmes acteurs qui, très souvent, pourrissent un conflit parental déjà exacerbé en l’absence de coopération pluridisciplinaire.

Vous estimez donc qu’il faut aller plus loin?

La seule solution viable pour régler des différends de manière objective, équitable et contraignante, est la formation d’un Tribunal de la famille. Présent aux quatre coins du monde, de la Colombie à la Tunisie en passant par l’Italie et le Canada, ce type de cour est composée de juges spécialisés, d’experts indépendants, d’un panorama complet de professionnels aguerris et non influencés.

Une justice plus efficace

En quoi ce tribunal peut-il réussir là où le concept de Cochem ne donne pas de résultat?

Les étapes de résolution y sont simplifiées, le traitement des problèmes familiaux est abordé dès leur origine et les résultats remarquables. On constate une augmentation substantielle du nombre d’autorités parentales, de gardes conjointes et de droits de visite étendus accordés. On voit aussi une forte diminution des frais de justice ou liés à l’assistance judiciaire, le raccourcissement des procédures et une contraction importante des conflits liés au non-paiement des pensions ou au non-respect des droits de visite.

Et les enfants en sortent-ils gagnants?

Le Tribunal de la famille vise la médiation et des issues plus durables pour les enfants, qui sont trop souvent les victimes collatérales du combat de leurs parents et de décisions sociales ou judiciaires partisanes. Actuellement, des milliers d’enfants en Suisse vivent le divorce de leurs parents dans un climat hautement conflictuel. Des vies sont brisées, des enfants ballottés entre leur père et leur mère, voire placés dans des foyers en raison du droit de garde ou de l’aliénation parentale. Nous devons en finir avec notre système «gagnant/perdant», qui bien souvent ne fait que monter les parents les uns contre les autres.

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