France – Au procès du 13-Novembre, Mohamed Abrini reste vague

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FranceAu procès du 13-Novembre, Mohamed Abrini reste vague

Interrogé par la cour, l’accusé Mohamed Abrini n’a pas aidé à comprendre les zones d’ombre de l’enquête sur les attentats du 13-Novembre.

Le 14 septembre 2021, Mohamed Amri, Mohamed Abrin et Salah Abdeslam, de gauche à droite, à Paris.

Le 14 septembre 2021, Mohamed Amri, Mohamed Abrin et Salah Abdeslam, de gauche à droite, à Paris.

AFP

Le plus souvent évasif, parfois agacé, Mohamed Abrini a éludé la plupart des questions ayant trait aux zones d’ombre de l’enquête mercredi au deuxième jour de son interrogatoire au procès des attentats du 13-Novembre.

S’il assumait sans ciller mardi son rigorisme religieux et les exactions du groupe État islamique (EI), l’accusé s’est montré à l’inverse excessivement vague quand il a été question de son séjour en Syrie fin juin 2015 ou de son passage en Angleterre puis à Paris en juillet.

Du 23 juin au 9 juillet 2015, peu après sa sortie de prison, Mohamed Abrini s’est rendu en Syrie via la Turquie. Pourquoi? Qu’avez-vous fait sur place? Qui y avez-vous rencontré?, interroge la cour d’assises spéciale présidée par Jean-Louis Périès.

Debout dans le box, vêtu d’un pull bleu, «l’homme au chapeau» des attentats de Bruxelles en mars 2016 explique que son départ en Syrie n’était motivé que par son désir de se recueillir sur la tombe de son «petit frère» Souleymane, tué en Syrie en septembre 2014 où il était parti combattre auprès d’Abdelhamid Abaaoud, le futur chef opérationnel des commandos du 13-Novembre.

Qui était au courant de votre départ?, veut savoir Jean-Louis Périès. «Ce n’est pas le genre de chose que l’on crie sur tous les toits», répond sèchement le Belge de 37 ans. À Raqqa, la «capitale» du groupe État Islamique, Mohamed Abrini dit avoir séjourné dans un appartement qu’il partageait avec Najim Laachraoui, considéré comme l’artificier du groupe État Islamique. Il précise n’avoir pratiquement eu aucun échange avec son colocataire, mort lors des attentats de Bruxelles en mars 2016.

«Des raccourcis»

Avez-vous bénéficié sur place d’une formation religieuse ou militaire?, insiste la cour. «Non, je ne suis resté que neuf jours, pas un an». Quand les questions se font plus précises, Mohamed Abrini répond ne pas se souvenir. «Je ne saurais vous dire», répète-t-il. L’accusé admet avoir rencontré à Raqqa Abdelhamid Abaaoud, «un ami d’enfance». «Il m’a proposé de rejoindre l’État islamique, mais j’ai refusé», soutient-il.

Malgré ce refus, Abdelhamid Abaaoud lui confie une mission: récupérer une somme de 3000 livres (3750 francs) en Angleterre. Mohamed Abrini s’exécute. Le 9 juillet, il se rend à Birmingham où il récupère l’argent. Il se rend aussi à Manchester, y prend des photos du stade d’Old Trafford. S’agissait-il d’un repérage pour un projet d’attentat? «Ce sont des raccourcis», s’emporte l’accusé. «On imagine toujours le pire dans ces dossiers-là».

Plutôt que de rentrer à Bruxelles où réside sa famille, Mohamed Abrini choisit de passer par Paris. Pourquoi ce détour? «Je devais effectuer une peine de travaux d’intérêt général à l’époque. J’ai voulu éviter de me faire arrêter à l’aéroport de Bruxelles».

«Paranoïa»

«Vous aviez des projets particuliers à Paris», insiste le président Périès. «Non, c’est la même paranoïa que concernant l’Angleterre», s’énerve Mohamed Abrini. «Ce n’est pas de la paranoïa, c’est de la curiosité, on veut comprendre», le reprend le magistrat. La cour n’obtiendra pas plus de réponse concernant la destination de l’argent récupéré à Birmingham.

Au cours de ses auditions, après son arrestation en Belgique en avril 2016, Mohamed Abrini a donné plusieurs versions de cet épisode. Il aurait joué cet argent au casino, l’aurait remis au frère d’Abdelhamid Abaaoud ou à Brahim Abdeslam (le frère de Salah Abdeslam, membre du commando des terrasses) ou à un «ami du quartier».

Mercredi, Mohamed Abrini a livré une nouvelle version. «L’argent, c’est une mission non accomplie, monsieur le président». Vous avez gardé l’argent?, s’étonne Jean-Louis Périès. Mohamed Abrini répond par l’affirmative. Le président hausse les épaules. «J’ai l’impression que si je vous propose une autre version, vous allez également dire oui», dit-il, pas dupe. «Si votre inquiétude est de savoir si cet argent a servi pour les attentats, la réponse est non», ajoute l’accusé. Peu avant la fin de l’audience, un avocat des parties civiles s’agace des réponses évasives de l’accusé.

«Écoutez, j’ai rien à perdre, je vais certainement prendre perpétuité en France. J’ai un autre procès en Belgique, je vais prendre aussi perpétuité. Quel est mon intérêt? Je vois pas pourquoi je ne vous dirais pas la vérité», se défend Mohamed Abrini. La cour doit entendre jeudi Osama Krayem, qui ne s’est plus présenté à l’audience depuis le 25 novembre. Jeudi dernier, son avocate avait indiqué que son client ne comptait plus s’exprimer durant le procès.

(AFP)

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