FranceProcès Benalla: «J’ai été réglo, loyal, honnête!»
L’ancien chargé de mission de l’Elysée, accusé d’avoir molesté des manifestants en 2018 et pincé en possession de passeports diplomatiques, a clamé sa bonne foi devant les juges jeudi.
«J’ai été réglo, loyal, honnête!» Alexandre Benalla s’est défendu jeudi à Paris d’avoir obtenu frauduleusement un passeport de service, concédant une «bêtise" dans l’utilisation de ses passeports diplomatiques après son limogeage de l’Elysée, des explications battues en brèche par son ancien supérieur au Palais.
Un «outil de travail»
Deux petits livrets à couverture bleue et lettre dorées: de son temps à l’Elysée, Alexandre Benalla avait deux passeports diplomatiques, délivrés par le ministère des Affaires étrangères.
Le doublon était «d’usage pour les agents amenés à voyager fréquemment, afin d’instruire des demandes de visa parallèlement», souligne la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez.
En quoi avait-il besoin de ces documents dans ses fonctions ?
Il s’agissait d’un «outil de travail», assure à la barre Alexandre Benalla, pouvant servir «pour des missions préparatoires, en tant que précurseur» pour des «déplacements privés» du président de la République – «50%" de ses missions.
Les déplacements, «ça peut être n’importe où à n’importe quel moment», insiste celui qui ne voulait «pas être un boulet» pour le Président de la République.
Invité à se lever, l’ancien chef de cabinet de l’Elysée, François-Xavier Lauch, est très sceptique.
Il raconte avoir «découvert après coup» que son subordonné avait deux passeports: Alexandre Benalla a fait «trois déplacements à l’étranger» dans le cadre de ses missions, dit-il. «On est face à un agent qui n’avait pas pour mission initiale de faire de l’international».
Et ce d’autant plus après la suspension de 15 jours dont il avait écopé, après avoir brutalisé un couple et des manifestants lors de la manifestation du 1er mai – le grand public le prend alors encore sur les vidéos pour un policier en civil.
C’est pourtant à ce moment-là qu’il demande le renouvellement d’un de ses passeports diplomatiques: le chargé de mission court-circuite alors le service du protocole et sa hiérarchie en faisant la demande directement auprès du ministère des Affaires étrangères – par souci «d’efficacité», dit-il.
Un demande incohérente pour François-Xavier Lauch, car ses missions étaient alors «réduites» aux évènements «à l’intérieur du Château» – une version contestée par Alexandre Benalla, qui assure que sa sanction était «symbolique» et que «dans la réalité des faits», ses missions «n’ont jamais été restreintes».
L’air est glacial entre les deux hommes, qui s’échangent des piques au fil des questions de la présidente.
«Je regrette profondément son comportement, j’ai eu le sentiment d’être trahi, on a tous eu le sentiment d’être trahis à la chefferie parce que notre seul but professionnel, c’est de servir la République, l’intérêt général, de faire les choses correctement», déclare notamment François-Xavier Lauch.
«Honnête»
Maroc, Tchad, Cameroun, Turquie, Bahamas: des tampons bien postérieurs à son licenciement figurent dans les pages de ces passeports. Les investigations téléphoniques ont montré qu’il s’est aussi rendu en Israël, au Congo, en Guinée.
«J’ai commis cette faute, c’était une bêtise», reconnaît Alexandre Benalla. Alors «dans une phase de reconversion», il voyageait avec l’homme d’affaires Philippe Hababou Solomon pour des sujets de «cybersécurité» – «je me suis un peu brûlé les ailes», dit-il.
Utiliser ces documents après avoir quitté son poste, «dans mon état d’esprit, ça ne me paraît pas illégal parce que pendant 10 ans, j’ai vu des hommes politiques» le faire, dit-il. «Je n’usurpe aucune fonction en l’utilisant, ça ne m’apporte que le +fast track+ (coupe-file NDLR)", ajoute-t-il.
L’ancien chargé de mission se défend aussi d’avoir produit un «faux» pour obtenir un passeport de service, en juin 2018: une note à en-tête du chef de cabinet, sans la signature de ce dernier mais avec la mention «original signé».
Un document que François-Xavier Lauch affirme ne jamais avoir vu: «je suis formel», dit-il.
Alexandre Benalla explique avoir «copié bêtement» un «modèle» qu’on lui a transmis, puis avoir déposé le document «dans un parapheur» dans le bureau vide du chef de cabinet. Il n’a jamais eu de retour avant d’obtenir le document, jure-t-il.
«Il n’y a pas d’intention frauduleuse», «j’ai fait les choses dans les règles».
Alors que la présidente suggère qu’il aurait été possible de citer comme témoin Alexis Kohler, Alexandre Benalla lance d’une voix forte: «C’est ma parole contre trois personnes», ceux qui étaient alors «directeur de cabinet», «chef de cabinet» et «secrétaire général» de l’Elysée.
«Qu’est-ce que vous voulez que je fasse face à ces gens-là ? S’ils veulent dire que je suis un menteur, je suis un menteur».