Au temps de l’apartheidLa face militaire sombre du passé de Mike Horn
«Temps Présent» a cherché à en avoir le cœur net sur le passé de l’aventurier installé en Suisse. Il faisait partie d’une unité d’élite de l’armée sud-africaine réputée pour éliminer les insurgés namibiens.
- par
- Eric Felley
Mike Horn l’aventurier, tout le monde en a entendu parler. Mais qui connaît la jeunesse de cet homme d’origine sud-africaine, qui est descendu l’Amazone à la nage, qui a parcouru la ligne équatoriale ou marché jusque dans l’Arctique. «Temps Présent» a voulu connaître la vérité sur ce personnage qui habite à Château-d’Œx dans le canton de Vaud depuis une trentaine d’années, «la gloire du Pays-d’Enhaut», comme il est dit dans l’introduction.
L’aventurier a certes déjà évoqué l’époque où il avait combattu en Afrique du Sud. Mais l’émission «Temps Présent» a voulu en avoir le cœur net. Son enquête s’est orientée sur ce qui s’est passé dans le nord de la Namibie dans les années 80, où le pays était une colonie de l’Afrique du Sud en lutte pour son indépendance. En 1986, Mike Horn a 19 ans et il fait son service dans le bataillon 101, une unité d’élite réputée pour son efficacité. «Temps Présent» a retrouvé un de ses supérieurs hiérarchiques, Waal de Waal, qui le définit alors comme «un accroc à l’adrénaline».
«Des choses désagréables»
Un ancien compagnon d’armes explique que son passage parmi les «101» a sans aucun doute forgé son caractère pour la suite. Envoyé en service au nord de la Namibie, Mike Horn se retrouve face aux insurgés de la SWAPO. Le bataillon 101 est une unité de contre-insurrection «spécialisée dans la traque et l’élimination de l’ennemi». Waal de Waal dit qu’on les avait appelés alors le «bataillon d’assassins». Et d’ajouter: «C’était la guerre, forcément, il y a des choses désagréables». Notamment le fait qu’avec leur véhicule, les Casspir, les soldats du bataillon 101 roulaient sur leurs ennemis.
Selon le compagnon d’armes, «Mike partait à la recherche des traces et il faisait le boulot», ou dit autrement «il réglait le problème». Il avait été surnommé «Banana Mike» à cause du pansement qu’il a porté après avoir perdu une phalange dans un accident, dont les circonstances demeurent peu claires.
«Pas chasser et tuer»
«Temps Présent» a confronté Mike Horn à son passé au sein de ce bataillon. À la question de savoir pourquoi il a accepté à l’époque de participer à ces chasses à l’homme, il répond dans le reportage d’une manière assez maladroite: «À cette époque pour moi, être dans une unité réputée, c’était jouer un rôle activement dans la protection de l’Afrique du Sud. C’est sûr que les gens pensent à chasser et tuer. Ce n’est pas chasser et tuer, c’est d’arriver de chasser des gens qui vont tuer des autres gens. C’est un peu comme la police, la protection, la manière dont je l’ai acceptée. Pas pour tuer des gens, mais pour empêcher des mauvais éléments de tuer des gens que tu aimes».
Des regrets
À la fin du reportage, Mike Horn a tenu à rajouter une prise de position: «Je faisais partie des forces officielles de l’armée sud-africaine de l’époque. J’y effectuais mon service militaire obligatoire. J’ai strictement obéi aux ordres qu’on me donnait. Je n’avais pas un amour particulier pour le régime de l’apartheid, je n’ai fait que remplir mes devoirs civiques. (…) Il est clair qu’aujourd’hui je regrette d’avoir participé à ces opérations, bien que j’assume parfaitement tout ce que j’ai fait dans la vie».
Temps Présent a interrogé un témoin de l’époque, Dave Smuth, aujourd’hui juge à la Cour suprême de Namibie. Il se souvient que dans la zone où se trouvait le bataillon 101 «les civils étaient traités d’une manière épouvantable, tués, tout comme les insurgés capturés, qui étaient souvent assassinés. Le bataillon 101 est parfois sorti complètement de la légalité. Mais ils se moquaient complètement de la légalité». L’homme évoque une attaque du bataillon dans un meeting de la Swapo à Windhoek, qui a coûté la vie au dirigeant namibien Immanuel Shifidi. Mike Horn communiquera finalement qu’il n’y était pas.
Est-il traumatisé par cette époque? «Non pas du tout, répond franchement Mike Horn. Pour moi la guerre, ça faisait partie de ma vie, comme partir en expédition ou aller acheter des croissants. C’est quelque chose que j’ai pris comme une bonne expérience, parce que cela m’a formé pour la vie».