Conflit au SoudanPrès de 200 morts en trois jours, l’ambassadeur de l’UE agressé
Selon l’ONU, plus de 185 personnes ont été tuées et 1800 blessées ces trois derniers jours lors des combats au Soudan.
Dans le ciel de Khartoum, les avions de l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays depuis le putsch de 2021, tentent de venir à bout des tirs intenses des blindés des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», son second pour le coup d’État, devenu depuis samedi son ennemi juré.
L’ambassadeur de l’UE au Soudan a été «agressé» chez lui, a annoncé lundi soir le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. «Il y a quelques heures, l’ambassadeur de l’UE au Soudan a été agressé dans sa résidence», a-t-il tweeté.
L’ambassadeur de l’UE, l’Irlandais Aidan O’Hara, est «OK», a indiqué à l’AFP Nabila Massrali, porte-parole du service diplomatique de l’UE, précisant que la délégation de l’UE n’avait pas été évacuée. «La sécurité de notre personnel est notre priorité», a-t-elle souligné. Selon l’ONU, plus de 185 personnes ont été tuées et 1800 blessées ces trois derniers jours lors des combats.
Pillages
Au moins deux hôpitaux de la capitale ont été évacués «alors que roquettes et balles criblaient leurs murs», ont annoncé des médecins qui disent n’avoir plus de poches de sang ni d’équipements pour soigner les blessés. En plus des tirs croisés, qui ont tué trois employés du Programme alimentaire mondial au Darfour (ouest), les humanitaires doivent désormais aussi composer avec les pillages, rapporte Save the Children. Plusieurs ONG et agences de l’ONU ont déjà annoncé suspendre leurs activités.
Médecins sans frontières raconte avoir accueilli lundi 136 blessés dans son dernier hôpital fonctionnel au Darfour-Nord, «en majorité des civils qui ont été pris dans les tirs, dont beaucoup d’enfants. Onze sont morts» samedi et dimanche, faute d’équipement et de personnel.
À Khartoum, depuis le déclenchement des combats samedi, les habitants se barricadent dans leurs maisons. Au-dessus d’eux, des colonnes d’épaisse fumée noire s’élèvent, une odeur de poudre pique les narines et chacun se demande quand l’électricité et l’eau courante reviendront.
Implications régionales
L’ONU a appelé les deux généraux à «cesser immédiatement les hostilités», car elles pourraient être «dévastatrices pour le pays et toute la région». Mais l’émissaire des Nations Unies au Soudan, Volker Perthes, s’est dit peu optimiste sur un retour rapide au dialogue alors qu’«il est difficile d’évaluer dans quel sens l’équilibre évolue».
Le conflit était latent depuis des semaines entre le général al-Burhane et le général Hamdane Daglo, dont les ex-miliciens de la guerre dans la région du Darfour étaient devenus ces dernières années les supplétifs officiels de l’armée. Lundi, les contacts diplomatiques ont semblé s’intensifier.
En fin de journée, l’Égypte, grand voisin influent, a annoncé avoir discuté de la situation avec l’Arabie saoudite, le Soudan du Sud et Djibouti, trois autres acteurs importants au Soudan, ainsi qu’avec Paris. Le Qatar de son côté s’est entretenu avec le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, censé se rendre au plus vite au Soudan, au-dessus duquel plus aucun avion ne vole.
Première fois à Khartoum
Il était toujours impossible lundi de savoir quelle force contrôle quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport et être entrés dans le palais présidentiel, ce que l’armée a nié. L’armée assure tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.
Quant à la télévision d’État, après deux jours de combats à ses abords, elle diffuse désormais des images et des communiqués de l’armée qui assure avoir regagné du terrain en de nombreux endroits. «C’est la première fois de l’histoire du Soudan depuis l’indépendance (en 1956) qu’il y a un tel niveau de violence dans le centre, à Khartoum», assure à l’AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum.
Khartoum «a toujours été l’endroit le plus sûr du Soudan, pendant les guerres meurtrières contre des rebelles» lancées au Darfour et ailleurs dans les années 2000, poursuit-elle. Mais depuis samedi, des médecins rapportent des coupures d’électricité dans des salles d’opération, racontent que des patients, parfois des enfants, et leurs proches «n’ont plus ni à boire ni à manger».
Le G7 demande l’arrêt «immédiat» des combats au Soudan
«Nous demandons instamment à toutes les parties de mettre immédiatement fin à la violence, de désamorcer les tensions et de rétablir un régime civil au Soudan», ont déclaré mardi les ministres des Affaires étrangères des principaux pays industrialisés à l’issue de leur réunion au Japon.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est pour sa part entretenu mardi séparément avec les deux généraux rivaux luttant pour le pouvoir au Soudan et a insisté «sur l’urgence d’aboutir à un cessez-le-feu», selon son porte-parole Vedant Patel. Un cessez-le-feu «permettrait de fournir l’aide humanitaire aux personnes affectées par les combats, de réunir des familles soudanaises (dispersées par les combats, NDLR) et d’assurer la sécurité des membres de la communauté internationale à Khartoum», selon les propos d’Antony Blinken rapportés par Vedant Patel dans une déclaration.