Football: L’avènement de Dereck Kutesa

Il n’y a sans doute que les plus attentifs des supporters servettiens qui doivent avoir remarqué le changement: depuis le début de l’année 2024, leur numéro 17 a changé de dénomination. Sur le dos de son maillot grenat (ou doré ou rose, c’est selon), Kutesa est devenu «Dereck».

Rien de transcendant: son prénom est devenu son «nom d’artiste». Un besoin, peut-être, d’écrire encore un peu plus son destin, quitte à le provoquer sous une autre appellation. Même si pour tout le monde, et pour Murat Yakin le premier, cela reste Dereck Kutesa, et c’est bien sous sa démonimation complète qu’il est apparu pour la première fois sur une liste de l’équipe de Suisse, ce jeudi matin.

Le Genevois de 26 ans fera donc partie du cadre des vingt-six joueurs retenus pour le stage en Espagne de la semaine prochaine, préalable aux matchs amicaux au Danemark (samedi 23) et en Irlande (mardi 26).

Pour Kutesa, le moment devient intense, peut-être le plus important de sa carrière: avant de «toucher les équipements» lundi, il doit aussi contribuer à porter le Servette FC vers les quarts de finale de Conference League jeudi (18 h 45) face au Viktoria Plzen. Avant un déplacement important en Super League à Lucerne dimanche.

Il y a là une forme d’accomplissement pour l’ailier grenat. Avec un temps de retard, peut-être: en 2019, c’est avec la réputation de meilleur dribbleur de Super League avec Saint-Gall qu’il avait tenté le grand saut vers l’étranger. C’était à Reims, en Ligue 1.

Il n’avait pas encore 22 ans, mais après être déjà passé par Bâle (où il avait fini sa formation après son départ de Servette en 2015) et Lucerne, il semblait être mûr pour passer un cap.

Tout n’avait pas été si évident. En deux saisons en Champagne, il s’est le plus souvent contenté d’un rôle de joueur de rotation (48 apparitions, 3 buts, 4 passes décisives). Avant d’être prêté pour la saison 2021-22 à Zulte Waregem, en Belgique, pour des prestations mitigées (31 matchs, 4 buts, 4 assists). Son avenir bouché à Reims sonnait comme un petit échec. Alors, la maison servettienne était apparue comme un bon point de relance, avec un contrat jusqu’en 2025.

Bien lui en a pris. L’opération est concluante. La saison du retour, sous Alain Geiger, a été prometteuse et a confirmé les qualités du joueur. La deuxième, avec René Weiler, dans un Servette qui marche sur l’eau, valide enfin les attentes: Dereck Kutesa est un des joueurs les plus actifs offensivement de Super League. Et la régularité dans ses performances plaide pour lui, même si ses choix de jeu peuvent parfois susciter une certaine irritation.

Reste que statistiquement, Kutesa réalise sans doute sa meilleure saison. Il y a les données très brutes: celui qui a disputé 43 des 44 matchs joués par Servette depuis juillet a déjà inscrit six buts et donné six passes décisives. Et celles avancées, qui témoignent de son impact: ses percées sont très souvent à l’origine d’occasions de buts, il est le joueur du championnat à trouver le plus de passes dangereuses dans le jeu et il est également un de ceux qui touchent le plus souvent la balle dans la surface adverse.

Évoquée depuis plusieurs semaines, cette convocation en équipe de Suisse se faisait donc de plus en plus attendue. Murat Yakin s’était notamment déplacé à la Praille pour la victoire contre Stade Lausanne Ouchy le 4 février dernier, notamment dans l’optique de l’observer de ses propres yeux.

Rien de surprenant donc à ce que Kutesa soit l’une des deux nouveautés de cette liste avec le Valaisan de Toulouse Vincent Sierro: «Kutesa et Sierro ont chacun fait de très bonnes performances en club, ils se sont même fait remarquer sur la scène internationale, a salué le sélectionneur jeudi. Ce sont deux joueurs expérimentés, dont le profil et le caractère se fonderont bien dans l’équipe.»

Cela arrivera vite. Mais en attendant, «Dereck» a une échéance très importante à aborder ce jeudi soir en Conference League. Mieux fêter deux grands évènements qu’un seul.