Pays-BasCondamné à la prison pour crimes de guerre quarante ans après les faits
L’ex-responsable de la prison afghane de Pul-e-Charkhi a été reconnu coupable, jeudi à La Haye, d’atrocités commises dans les années 1980 dans ce pénitencier réputé pour son inhumanité.
Un ancien responsable d’une prison honnie en Afghanistan a été condamné jeudi par un tribunal néerlandais à 12 ans de prison pour des crimes de guerre commis dans les années 1980 sous le régime communiste. À l’image de ce procès, tenu à La Haye, d’autres pays européens ont lancé des procédures judiciaires, au nom du principe de la compétence universelle, à l’encontre d’individus accusés de crimes de guerre commis dans des pays déchirés par des conflits, tels que l’Afghanistan, la Syrie, et actuellement l’Ukraine.
Abdul Razzaq Rafief, 76 ans, était, sous le régime communiste afghan, le dirigeant de la prison honnie de Pul-e-Charkhi, à l’est de Kaboul, de 1983 à 1988, selon le tribunal. Lors de cette période, des opposants au régime communiste, qui combattait alors, avec le soutien de l’URSS, une insurrection de moudjahidines, y étaient détenus.
Abdul Razzaq Rafief «a traité les prisonniers de manière cruelle et déshonorante et les a arbitrairement privés de leur liberté», des «crimes de guerre» commis en violation du droit international humanitaire, a déclaré Els Kole, juge du tribunal de La Haye. Des milliers de prisonniers ont été torturés et certains exécutés, et beaucoup étaient considérés comme des ennemis du régime, a-t-elle précisé.
Exécutés sans procès
Le tribunal reproche à Abdul Razzaq Rafief «d’avoir joué un rôle déterminant dans la situation carcérale en tant que responsable», a indiqué la juge. «Il a eu la possibilité d’améliorer la situation des prisonniers, mais il ne l’a pas fait», a-t-elle affirmé. Sous ses ordres, un prisonnier a été battu «parce qu’il se plaignait des conditions de détention dans la prison», a souligné la magistrate.
Dans la prison, le pire traitement était réservé aux détenus politiques et aux condamnés à mort. Les blocs étaient surpeuplés et les prisonniers couverts de puces et de poux, le traitement médical pratiquement inexistant, selon le tribunal. Certains ont été exécutés sans procès, d’autres étaient présentés devant un juge pour une «parodie de procès», a ajouté l’accusation. Les prisonniers «étaient détenus dans des conditions inhumaines sans aucun espoir pour l’avenir», a déclaré la juge, ajoutant qu’ils «vivaient dans une peur constante».
Il se dit victime d’une erreur judiciaire
Abdul Razzaq Rafief avait émigré aux Pays-Bas en 2001 et ensuite acquis la nationalité néerlandaise, avant d’être arrêté en 2019. Il a assuré ne pas avoir occupé cette fonction et être trop malade pour même se souvenir de son nom. Se présentant en chaise roulante lors de l’ouverture de son procès en février, Abdul R., père de quatre enfants, a affirmé être victime d’une erreur judiciaire, n’étant pas la personne recherchée.
Mais selon le tribunal, son identité a pu être établie lors de son arrestation grâce à son permis de conduire. Il a également été formellement identifié par plusieurs des 19 témoins lors du procès. Ahmed Faquri, 66 ans, l’une des victimes présentes à l’audience jeudi, s’est dit «soulagé». «L’une des personnes qui m’ont torturé a été jugée et condamnée», a-t-il déclaré. «Peu importe» la durée de la peine, «c’est une question de reconnaissance», a-t-il ajouté.
L’avocat de l’accusé a déclaré qu’il ferait appel de la condamnation.