Guerre en UkraineQuel camp choisir, États-Unis ou Russie? Le dilemme des pays du Golfe
Le conflit en Ukraine met les riches monarchies arabiques, alliées à la fois de Moscou pour la production de pétrole et de Washington pour leur sécurité, dans une situation délicate.
Par le passé, choisir son camp dans la crise ukrainienne aurait été sans hésitation pour les riches monarchies du Golfe, longtemps protégées par les États-Unis. Mais aujourd’hui, le renforcement de leurs liens avec la Russie les oblige à trouver un équilibre.
Si les Occidentaux ont unanimement condamné l’invasion russe de l’Ukraine, les monarchies arabes du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont restées en majorité silencieuses. Leur réticence s’explique par l’importance des enjeux tels que l’énergie, les finances et la sécurité, selon des experts.
Vendredi, les Émirats arabes unis se sont abstenus avec la Chine et l’Inde lors d’un vote au Conseil de sécurité de l’ONU sur une résolution coécrite par les États-Unis et l’Albanie demandant à Moscou de retirer ses troupes d’Ukraine. La Russie a mis son veto.
Après le vote, l’agence émiratie WAM a fait état d’un appel téléphonique entre les chefs de diplomatie des Émirats et des États-Unis. La Russie a, elle, annoncé une rencontre lundi à Moscou entre les ministres des Affaires étrangères russe et émirati.
Au sein du CCG, le Koweït et le Qatar se sont abstenus de critiquer la Russie depuis l’invasion jeudi, dénonçant juste les violences. L’Arabie saoudite, chef de file du CCG, Oman et Bahreïn ont gardé le silence jusqu’ici. «Trouver un équilibre sera particulièrement difficile pour les Émirats… dans la mesure où ils disposent actuellement d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU», souligne Anne Gadel, contributrice régulière pour l’Institut Montaigne, en France, sur les pays du Golfe.
Moscou, un allié idéologique
Pendant des décennies, les États-Unis, qui ont des bases militaires en Arabie saoudite, aux Émirats, au Qatar et à Bahreïn, se sont posés en défenseurs des pays du CCG face à de possibles menaces. Et les deux camps ont un adversaire commun: l’Iran. Mais Ryad et Abu Dhabi ont eu ces dernières années des relations en dents de scie avec les États-Unis, en lien avec la question des droits humains, les accords d’armement et le conflit au Yémen.
«La Russie est considérée comme un allié idéologique, tandis que les demandes américaines en matière de droits humains deviennent problématiques», selon Andreas Krieg, chercheur spécialiste du Moyen-Orient au King’s College de Londres.
La Russie codirige avec Ryad l’alliance OPEP +
Les échanges commerciaux entre la Russie et les pays du CCG ont atteint 5 milliards de dollars en 2021, surtout avec les Émirats et l’Arabie saoudite, selon les chiffres officiels. En tant qu’acteurs majeurs sur les marchés énergétiques, la plupart des pays du CCG entretiennent avec la Russie des relations de producteurs partenaires. Ryad et Moscou dirigent l’alliance OPEP + contrôlant strictement la production pour soutenir les prix.
«Les pays arabes membres de l’OPEP sont dans une situation difficile diplomatiquement», car le maintien de l’accord OPEP+, qui contrôle la production, «est clairement au premier plan de leurs considérations», affirme Ellen Wald, chercheuse au groupe de réflexion Atlantic Council. «Les pays du Golfe ont peur de nuire à cette relation et cherchent à maintenir la participation russe à l’OPEP + (…) Si la Russie quitte l’alliance, l’accord va probablement s’effondrer», dit-elle.