CommentaireQuand la politique suisse s’emballe méchamment
Une semaine après l’extension du certificat Covid-19, la scène politique suisse et son ministre de la Santé vivent des heures tendues. Les semeurs de chaos et les sonneurs de cloches sont à la manœuvre.
- par
- Eric Felley
Des manifestations contre les mesures Covid qui se multiplient et dégénèrent à Berne, un ministre des Finances qui s’affiche avec les opposants, un ministre de la Santé attaqué sur sa vie privée après des fuites à la police fédérale, la Suisse recalée à Paris… On peut dire que durant la semaine écoulée, la vie politique suisse a été particulièrement secouée.
Il y a une semaine, jour pour jour, sont entrées en vigueur les nouvelles règles concernant le certificat Covid dans les restaurants et autres lieux fermés. On pressentait que ce serait quelque chose de compliqué à faire accepter en Suisse. La pertinence de ces mesures dans la vie quotidienne est difficile à saisir, d’autant que durant la semaine, le nombre de nouvelles infections est reparti à la baisse. Pour l’instant, l’usage de ce certificat ne semble guère populaire. Le fait de l’avoir imposé aussi aux étudiants des hautes écoles n’arrange en rien les choses.
Campagne du 28 novembre
Dimanche prochain, nous connaîtrons les résultats du Mariage pour tous et de l’initiative 99%. Ce sera oui et non, il ne devrait pas y avoir de surprise. Mais sur la scène politique, c’est déjà la campagne du 28 novembre, qui est dans les esprits, quand se jouera la survie du certificat Covid. La Suisse est sans doute le seul pays du monde où le peuple est appelé à voter sur cette question. Avec leurs démonstrations de force, avec leur omniprésence sur les réseaux sociaux, les opposants sentent qu’ils pourraient marquer une victoire, après avoir fait 40% lors du premier vote sur la loi Covid-19 au mois de juin.
Rien n’arrive par hasard. Dans les milieux de l’UDC, certains ont décidé de faire vivre un enfer au ministre de la Santé Alain Berset en étalant sa vie privée sur la place publique. Sous divers prétextes insidieux – qu’il aurait mobilisé un collaborateur pour régler son affaire ou utilisé une voiture de fonction – on cherche à l’évidence à le blesser personnellement et à l’affaiblir politiquement. Il suffit de voir les réactions euphoriques des opposants au certificat pour s’en rendre compte.
Un autre aurait-il fait mieux?
Le ministre fribourgeois ne mérite pas le traitement que ses ennemis de la «Weltwoche» lui réservent. Cela fait dix-huit mois qu’il gère cette pandémie jour et nuit, avec ses services, avec le Conseil fédéral, avec des gens de bonne volonté, dans les cantons, les communes et les hôpitaux. Tout cela dans un contexte international complexe. Un autre aurait-il fait mieux? Aurait-il fait différemment? Les décisions concernant le Covid-19 sont celles du Conseil fédéral. Si Alain Berset a la charge du dossier, il a toujours dû composer avec ses collègues, qui portent la même responsabilité que lui. Même Ueli Maurer, qui joue les francs-tireurs, ou les naïfs, quand ça l’arrange.
De toute évidence, des semeurs de chaos et des sonneurs de cloches sont à la manœuvre. Ils font du bruit, c’est leur choix. Mais leur agressivité pourrait se retourner contre eux le 28 novembre. Car dans sa majorité, le peuple suisse n’aime pas la violence, qu’elle soit dans la rue ou contre un conseiller fédéral, dont la vie privée a connu des turbulences qui ne regardent que lui.