PolitiqueL’Allemagne opère un lent changement de stratégie
Le gouvernement peine à établir une ligne directrice efficace, qu’il s’agisse de stratégie énergétique ou militaire.
Il y a un an, presque jour pour jour, le chancelier allemand Olaf Scholz proclamait un virage stratégique de l’Allemagne à la suite de l’invasion russe. Un projet qui reste difficile à concrétiser. Une déclaration du chancelier allemand, lors de la Conférence sur la sécurité de Munich qui se tient ce week-end, permet de mesurer le changement de cap.
En livrant des armes à l’Ukraine, «nous assumons la responsabilité qu’un pays de la taille, de la situation et de la puissance économique de l’Allemagne doit assumer dans des temps comme ceux-ci», a asséné le dirigeant devant d’autres responsables occidentaux. Marquée par les horreurs commises sous les nazis, l’Allemagne s’est longtemps voulue pacifiste.
Bercée par le rêve d’une harmonie germano-russe après la guerre froide et la réunification, le pays a laissé ses capacités militaires se déliter, se contentant d’être la première économie européenne sans endosser davantage de responsabilités pour la sécurité du monde.
«Nous avons cru qu’il ne pouvait y avoir de sécurité qu’avec la Russie et non contre elle. C’était une erreur», constate Rolf Nikel, vice-président du think-tank DGAP à Berlin, dans un entretien à l’AFP. Des certitudes balayées par la guerre
«Une ère nouvelle»
Olaf Scholz avait annoncé au Bundestag «une ère nouvelle», et débloqué une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée. Ayant rechigné pendant des années à se conformer aux objectifs de financement de l’Otan, Berlin a promis de consacrer tous les ans plus de 2% de son Produit intérieur brut (PIB) à sa défense.
Bouleversé aussi le modèle énergétique allemand, crucial pour l’économie : avant la guerre, les industriels s’approvisionnaient en Russie qui fournissait 55% du gaz et 35% du pétrole. Bon marché, ce gaz promettait d’assurer la transition, le temps de développer les renouvelables --éoliennes et panneaux solaires--, après la décision de Berlin de sortir du nucléaire, suite à la catastrophe de Fukushima en 2011.
Pour remplacer les pipelines russes, Berlin a dû prolonger de quelques mois ses centrales nucléaires, rallumer temporairement des centrales à charbon et ouvrir des terminaux méthaniers pour importer du gaz liquéfié (GNL).
Pénible virage militaire
La forte impression faite par le discours d’Olaf Scholz le 27 février «a été relativisée au fil des mois» car «il a fallu trop longtemps pour que l’Allemagne commence à soutenir réellement l’Ukraine, y compris avec du matériel militaire et des armes», estime auprès de l’AFP Marie-Agnès Strack-Zimmermann, députée du parti libéral FDP, membre de la coalition gouvernementale.
De l’artillerie aux chars de combat, Olaf Scholz s’est vu reprocher d’aller trop lentement. Le chancelier appelle à une collaboration européenne
Il doit tenir compte des réticences d’une partie de la société. En témoigne le «manifeste pour la paix» lancé par la figure politique d’extrême gauche Sahra Wagenknecht et la féministe Alice Schwarzer, qui revendique 500’000 signataires favorables à des «compromis» de Kiev et Moscou, et appelle à manifester samedi prochain.