Menace de pénuries«L’approvisionnement de la Suisse est actuellement garanti»
Dans le cadre du débat sur la sécurité d’approvisionnement du pays, la Chambre des cantons s’est souciée davantage de production indigène que de la biodiversité. Mais le National n’a pas suivi.
- par
- Eric Felley
Faire et défaire, c’est toujours travailler. Ainsi en est-il des Chambres fédérales, où durant cette législature, ce que l’une fait est très souvent défait par l’autre, et inversement. Ainsi en est-il aussi de la biodiversité. Le Conseil national a accepté mercredi le contre-projet à l’initiative sur la biodiversité par 104 voix contre 83. Un résultat obtenu grâce à une alliance entre le PS, les Vert.e.s, les Verts libéraux et une bonne partie du PLR. La décision a même été saluée par les partisans de l’initiative.
Production indigène contre biodiversité
Mais ce mercredi, dans le cadre du débat sur la sécurité de l’approvisionnement du pays, le Conseil des États a accepté deux motions de l’UDC et du Centre pour reporter l’application de deux ordonnances du Conseil fédéral annoncées en avril dernier. La première concerne l’obligation d’affecter au moins 3,5% des terres assolées à la promotion de la biodiversité. Ces surfaces, environ 10 000 hectares, devraient être consacrées à la production indigène, estime la motion. La seconde concerne l’obligation de réduire les pertes d’éléments fertilisants de 20% pour l’azote et le phosphore. Deux votes qui ont fait bondir l’écologiste Adèle Thorens (V/VD).
L’annonce de Vladimir Poutine
Mercredi après-midi, le Conseil national a entamé le même débat consacré à la sécurité de l’approvisionnement avec une unité de matière douteuse, puisque l’UDC y avait placé trois motions visant à réduire le statut S des réfugiés ukrainiens. Comme l’ont rappelé divers intervenants, ce n’était ni le lieu ni l’heure, après l’annonce la veille par Vladimir Poutine d’une mobilisation partielle de l’armée russe. «Une escalade est à craindre dans toute l’Ukraine», a relevé la conseillère fédérale Karine Keller-Sutter «La situation en termes de sécurité n’a pas changé». Ces trois motions ont été balayées.
Pierre-André Page dans les yeux de Guy Parmelin
À travers d’autres motions, les élus de l’UDC ont tour à tour attaqué la politique du Conseil fédéral ou celle de l’Office fédéral de l’agriculture, toutes deux accusées de «mettre en danger des pans entiers de notre économie», selon Pierre-André Page (UDC/FR). Ces motions reprenaient en partie les propositions acceptées le matin par le Conseil des États.
Pas besoin d’optimisation de la production
Le Conseil fédéral était opposé à toutes ses propositions. Guy Parmelin a répondu que «L’approvisionnement de la Suisse est actuellement garanti, en regardant Pierre-André Page dans les yeux», la situation actuelle «ne justifie pas une telle optimisation de la production indigène (…) Si le pays devait être frappé d’une grave pénurie, la Confédération pourrait d’abord débloquer les réserves obligatoires de denrées alimentaires». La motion concernant l’azote et le phosphore a été refusée par 113 voix à 73 (UDC+Centre). Quant à celle concernant les 3,5% de biodiversité, elle a été retirée.
Propositions pour l’énergie
Le débat sur la sécurité de l’approvisionnement a pris une tournure plus technique avec quatre propositions liées à l’énergie. «L’énergie la plus verte est celle que l’on ne consomme pas», a défendu Delphine Klopfenstein Broggini (V/GE): «Selon certaines études, le gaspillage représenterait un tiers de notre consommation, soit la production de nos centrales nucléaires». Avec sa motion, elle voulait apporter une «solution clefs en main», soit le programme des Services industriels genevois qui a permis des économies équivalentes à la consommation de 70 000 ménages. Mais la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga estime qu’il existe déjà beaucoup de choses en la matière. Le plénum a refusé de justesse la motion par 95 voix à 91.
Trois motions acceptées
Le Conseil national a quand même accepté trois motions dans le cadre de ce débat touffu. Rocco Cattaneo (PLR/TI) proposait une motion pour transformer l’énergie solaire en gaz de synthèse pour la stocker. Le Centre défendait une motion pour «exploiter le potentiel des réseaux intelligents» concernant la distribution d’électricité. Enfin les Verts libéraux faisaient une proposition pour assurer la stabilité du réseau électrique à moindre coût «grâce à l’intégration des acteurs de taille petite ou moyenne sur le marché de l’énergie de réglage».
Simonetta Sommaruga a rappelé que ces sujets seraient traités jeudi dans le cadre du débat sur la loi sur l’approvisionnement en électricité au Conseil des États, «qui devrait durer neuf heures et demandera de l’endurance» a conclu la ministre.