Géorgie30’000 personnes dans les rues après le vote d’une loi décriée
Les manifestations contre ce texte, qui cible les médias et les ONG recevant des fonds étrangers, durent depuis plus d’un mois en Géorgie.
Quelque 30’000 Géorgiens opposés à un projet de loi controversé voté la veille au parlement, qui menace d’entraver l’adhésion du pays à l’UE, se sont à nouveau rassemblés mercredi soir dans le centre de la capitale Tbilissi, selon l’AFP.
Au lendemain de ce vote, l’Otan, la Commission européenne et l’ONU ont condamné cette initiative du gouvernement. La loi sur «l’ingérence étrangère», inspirée d’une législation en vigueur en Russie pour réprimer l’opposition, a été votée mardi en dernière lecture par les députés géorgiens.
Les manifestations contre ce texte, qui cible les médias et les ONG recevant des fonds étrangers, durent depuis plus d’un mois, rassemblent des foules considérables brandissant des drapeaux européens, ukrainiens et géorgiens et scandant des slogans contre la Russie, qui a fait la guerre à la Géorgie en 2008.
Des milliers de personnes ont commencé mercredi soir à bloquer un important carrefour à Tbilissi, paralysant la circulation dans les quartiers centraux de la capitale.
«Impact négatif» pour l’UE et l’Otan
Les ministres des Affaires étrangères de l’Estonie, de l’Islande et de la Lituanie, en visite dans le pays, se sont joints à la marche vers le lieu de la manifestation, avant de s’adresser à la foule en signe de solidarité avec les manifestants. «Nous sommes ici pour soutenir les aspirations du peuple géorgien à faire partie de l’Union européenne et de l’Otan», a déclaré à l’AFP le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis.
L’hymne national de la Géorgie et l’Ode à la joie de l’Union européenne ont été interprétés lors du rassemblement. Des manifestations contre la loi ont également eu lieu dans les villes de Kutaisi et Tsalenjikha, dans l’ouest du pays. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, au nom de la Commission européenne, a appelé la Géorgie à «retirer» cette loi, jugée contraire aux «valeurs» et aux «normes essentielles» de l’UE.
Son vote a «un impact négatif» sur le processus d’adhésion de cet État à l’UE, a-t-il souligné dans un communiqué. La Géorgie est officiellement candidate à l’entrée dans l’Union européenne depuis décembre 2023. Elle aspire également à rejoindre l’Otan, dont la porte-parole, Farah Dakhlallah, a dénoncé sur X une mesure qui l’«éloigne» de son «intégration européenne et euro-atlantique».
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, une pro-européenne en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait mettre son veto à la nouvelle loi mais le parti au pouvoir «Rêve géorgien» assure avoir assez de voix au Parlement pour passer outre.
Amendements proposés
«Les impacts (de la loi) sur les droits à la liberté d’expression et d’association en Géorgie risquent malheureusement désormais d’être importants», a regretté pour sa part le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. Les États-Unis avaient réagi dès mardi en avertissant qu’ils pourraient «réévaluer» leurs relations avec la Géorgie.
La présidente Zourabichvili a proposé des amendements au projet de loi mais a mis en garde, pendant cette conférence de presse avec les représentants balte et islandais, contre toutes négociations «artificielles». Le premier ministre Irakli Kobakhidzé s’est dit pour sa part prêt à évoquer de possibles modifications.
En l’état actuel, le texte impose à toute ONG ou à tout média recevant plus de 20% de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère» et de se soumettre à un contrôle administratif.
Ses détracteurs l’ont surnommé «loi russe» en raison de sa similitude avec une législation votée en Russie pour réprimer l’opposition. La référence est sensible en Géorgie, un pays qui balance entre les sphères d’influence russe et européenne et a été la cible d’une intervention militaire russe en 2008.