AfriqueAprès deux mois de guerre, le Soudan s’enfonce dans la crise
L’armée soudanaise a accusé mercredi les paramilitaires des Forces de soutien rapide d’avoir «enlevé et assassiné» le gouverneur de l’État du Darfour-Ouest.
Des avions de combat ont bombardé mercredi pour la première fois une ville du sud du Soudan, où les combats meurtriers entre l’armée et les forces paramilitaires, qui entrent dans leur 9e semaine, ont plongé le pays dans une grave crise humanitaire.
L’armée de l’air a mené «des frappes aériennes pour la première fois sur El-Obeid», une ville à 350 kilomètres au sud de la capitale Khartoum, «qui est encerclée par les forces paramilitaires depuis le début des combats», ont raconté à l’AFP plusieurs témoins.
Parallèlement, l’armée soudanaise a accusé mercredi les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) d’avoir «enlevé et assassiné» le gouverneur de l’État du Darfour-Ouest, Khamis Abdallah Abakar, qualifiant les faits d’«acte brutal». Cet assassinat signifie que les Forces de soutien rapide ont ajouté une «nouvelle ligne à leur liste de crimes barbares commis contre l’ensemble du peuple soudanais», a déclaré l’armée sur Facebook.
Les combats, qui entrent dans leur 9e semaine, se sont jusqu’à présent essentiellement concentrés à Khartoum, la capitale de cinq millions d’habitants, et dans la vaste région du Darfour, dans l’Ouest.
Depuis le 15 avril, la guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, du général Mohamed Hamdane Daglo, a fait plus de 1800 morts selon l’ONG ACLED, et deux millions de déplacés, selon l’ONU.
Les civils qui n’ont pas fui n’ont plus «ni nourriture, ni eau, ni médicaments», raconte à l’AFP un habitant de Khartoum, Ahmed Taha. «Nous n’avons plus rien. Le pays est dévasté. Où que vous regardiez, vous voyez les impacts des bombes et des balles», selon ce témoin.
Conférence d’aide au Soudan
Pendant plusieurs semaines, l’Arabie saoudite et les États-Unis ont servi de médiateurs à des négociations entre les deux camps dans la ville saoudienne de Jeddah, en vue d’obtenir un cessez-le-feu. Mais les nombreuses trêves annoncées n’ont été quasiment jamais respectées et l’aide humanitaire est restée bloquée ou est parvenue aux civils en quantité très insuffisante.
Vingt-cinq millions des 45 millions d’habitants du Soudan, l’un des pays les plus pauvres du monde, dépendent désormais de l’aide humanitaire pour survivre, selon l’ONU. L’Arabie saoudite a ainsi annoncé mardi la tenue le 19 juin d’une conférence internationale consacrée à l’aide au Soudan.
De son côté, le chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Soudan, Alfonso Verdu Perez, a déploré vendredi que «seuls 20% des établissements de santé fonctionnent encore à Khartoum». Des quartiers entiers sont privés d’eau courante et l’électricité ne fonctionne que quelques heures par semaine.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a «condamné fermement» mercredi «les attaques croissantes contre des installations de santé», affirmant qu’entre le 15 avril et le 8 juin, 46 de ces attaques ont fait huit morts et 18 blessés.
«Nous souffrons et souffrons encore de cette guerre depuis deux mois», témoigne Soha Abdelrahmane, une habitante de Khartoum, ajoutant que plusieurs villes du Darfour, comme El-Geneina et Nyala, sont en «état de siège».
«Crimes contre l’humanité»
Le chef de la mission de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, s’est dit mardi «particulièrement alarmé» par la situation au Darfour où les violences pourraient constituer des «crimes contre l’humanité». «Les attaques de grande ampleur contre les civils, basées sur leurs origines ethniques, qui seraient commises par des milices arabes et par des hommes armés en uniformes des FSR sont très inquiétantes», a-t-il expliqué.
Le parti Oumma, principale formation politique du pays, a affirmé mercredi que El-Geneina, la capitale du Darfour-Ouest, s’était transformée en «zone de catastrophe», appelant les organisations internationales à envoyer de l’aide.
Le parti a qualifié les violences qui s’y déroulent de «crime humanitaire à part entière» et estimé dans un communiqué que plus de 1000 personnes étaient mortes «lors d’un siège abject et de violences systématiques contre les citoyens».
Le Darfour a été dévasté dans les années 2000 par une guerre civile qui a fait environ 300’000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU.