Critique ciné«Oppenheimer»: une bio subtile du père de la bombe atomique
Christopher Nolan embrasse large pour évoquer le destin d’un homme complexe. Son long métrage, qui sort ce mercredi dans les salles romandes, impose le respect.
- par
- Jean-Charles Canet
Le père de la bombe atomique, née au cœur de la Seconde Guerre mondiale, a un nom: Julius Robert Oppenheimer. Le dernier cinéaste en activité dans le système hollywoodien pour qui popularité et exigence ne sont pas des termes contradictoires, en a un aussi: Christopher Nolan. Ce dernier a décidé de tirer le portrait du scientifique dans un long métrage, qui sort ce mercredi en Romandie, tourné sur pellicule IMAX. Dans sa filmographie, il s’agit de sa deuxième évocation historique, la première étant «Dunkerque», mais aussi sa première biographie d’une personnalité ayant durablement marqué son siècle.
Sans facilités
Son long métrage, de près de 3 heures, obéis aux codes de la superproduction mais sans céder aux facilités et aux clichés. Pas question de narrer la vie d’un brillant ingénieur qui invente la bombe dans son garage, séduit sa charmante voisine et fait les 400 coups avec ses amis, puis fabrique deux exemplaires qu’il largue lui-même au-dessus de Hiroshima et de Nagasaki ce qui met fin à la guerre et consacre la puissance bienveillante des États-Unis d’Amérique. Non, «Oppenheimer» est un film sérieux, ne reculant pas devant l’ambiguïté, qui situe son action juste avant l’invasion de la Pologne par les nazis et qui développe longuement les conséquences des accomplissements de l’ingénieur jusqu’au cœur des années cinquante.
En recourant au noir et blanc alterné à la couleur. En n’excluant ni la vie sentimentale du personnage ni ses opinions ni ses origines ethniques, Nolan voit grand. Il campe un Oppenheimer, très sobrement incarné par Cillian Murphy, terriblement complexe dans une société nord américaine elle-même tiraillée par ses propres démons politiques. Les personnalités qu’il côtoie sont incarnées par Matt Damon, Robert Downey Jr., Florence Pugh ou Emily Blunt parfois tout juste reconnaissables.
Une place à part
De ce long métrage bavard, mais rarement inutilement, on ressort très favorablement impressionné avec le sentiment de redécouvrir une période un tantinet oubliée, voire négligée de notre histoire. «Oppenheimer» entre-t-il bien placé dans la liste de nos Nolan favoris? Trop tôt pour le dire. Mais une chose est sûre, quel que soit le niveau de qualité qu’on lui attribuera à plus long terme, son actuel dernier film tiendra une place à part.