GrèceSur l’île de Samos, le premier camp «fermé» pour migrants
Une prison, c’est ce à quoi ressemble cette «nouvelle génération» de camps pour demandeurs d’asile, dont le premier a été inauguré samedi sur cette île grecque de la mer Egée.
Barbelés, scanners à rayons X et portes magnétiques: sur l’île grecque de Samos, le nouveau camp «fermé» pour migrants, premier d’une «nouvelle génération» inauguré samedi, ressemble à première vue à une prison isolée à un quart d’heure de route de la principale ville. Sur un terrain de plus de 12’000 m2 bordé d’une double ligne de fils barbelés, plus de 300 demandeurs d’asile y seront transférés à partir de lundi du bidonville de Vathy, où ils s’entassaient jusqu’ici aux portes de la ville, qui sera démantelé et décontaminé.
«De Samos, nous envoyons un message à toutes les îles: les images (des camps insalubres) de Moria (à Lesbos) ou de Vathy appartiennent désormais au passé», a déclaré le ministre grec des Migrations, Notis Mitarachi, samedi lors de la cérémonie d’inauguration du camp encore vide. Répartis en plusieurs «quartiers», les demandeurs d’asile auront accès à des zones de restauration, de sport, de jeux, mais aussi des cuisines partagées. Les dortoirs sont dotés de cinq lits et d’une armoire chacun, avec des WC à la turque et des douches partagées, a constaté une équipe de l’AFP.
«Le nouveau centre à accès contrôlé et fermé rendra leur dignité perdue à ceux qui cherchent la protection internationale, mais aussi les conditions nécessaires de protection et de rétention aux migrants illégaux qui doivent être renvoyés», a ajouté le ministre.
Rétention pour les déboutés du droit d’asile
Au sein du camp, un centre de rétention a été prévu pour tous les migrants déboutés du droit d’asile et voués à être renvoyés en Turquie. De même sur l’île de Léros, où un camp de ce type devrait être terminé le mois prochain et sur celle de Kos, immédiatement après. À Lesbos, où le camp de Moria a été réduit en cendres l’an dernier, les travaux n’ont pas encore commencé et le nouveau centre ne sera pas fini avant l’automne 2022, selon une source gouvernementale. La Commission européenne s’est engagée à financer à hauteur de 276 millions d’euros cinq nouveaux camps sur les îles de la mer Égée qui reçoivent la plupart des migrants arrivant des côtes turques voisines.
«C’est le premier centre de réception d’une nouvelle génération sur les îles égéennes», a indiqué à Samos Beate Gminder, vice-directrice générale des migrations et de l’intérieur à la Commission européenne. À Samos, le bidonville de Vathy avait abrité près de 7000 demandeurs d’asile entre 2015 et 2016, pour une capacité initiale de 680 personnes. Sur les 550 migrants qui restent sur l’île, quelque 300 vivant encore dans des conditions insalubres ont accepté d’être transférés dans le nouveau camp où ils doivent se présenter lundi.
Mais ils ne seront plus autorisés qu’à sortir le jour de 08h00 à 20h00, transportés par bus spéciaux en ville et contraints de présenter leurs empreintes digitales et badges électroniques au portail magnétique à l’entrée. Des sanctions disciplinaires sont prévues pour ceux qui ne rentreraient pas avant 20h00.
Inquiétudes des ONG et du HCR
Les défenseurs des droits humains s’inquiètent de l’enfermement des demandeurs d’asile. Ces nouveaux centres «vont empêcher d’identifier de manière efficace les personnes vulnérables», «limiter l’accès des demandeurs d’asile aux services» et «amplifier l’effet néfaste du confinement sur la santé mentale des personnes», ont fustigé une cinquantaine d’ONG, dont Amnesty International.
«Le mot "fermé" revient souvent et c’est inquiétant», avait admis Mireille Girard, la représentante en Grèce du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR). «La position du HCR est que le demandeur d’asile a besoin de protection, ce n’est pas un criminel ni quelqu’un qui représente un risque pour la communauté, c’est une personne qui a besoin d’aide. Pour nous, les camps doivent être ouverts, le gouvernement nous a assuré qu’ils le seraient», a-t-elle déclaré à l’AFP.
Athènes ne cesse de se féliciter de la décongestion significative des camps sur les îles et de la réduction des arrivées de près de 90% depuis 2019. Mais les ONG expliquent cette baisse par le refoulement systématique et illégal des migrants vers la Turquie, ce que nie le gouvernement conservateur grec.