Hockey sur glace«J’ai passé ma carrière à devoir prouver aux gens qu’ils avaient tort»
Depuis qu’il est aligné par l’entraîneur Johan Lundskog aux côtés de Dominik Kahun et Simon Moser pour pallier la blessure de Vincent Praplan, Timothy Kast (33 ans) est en train de voir son rôle changer au CP Berne.
- par
- Julien Boegli Berne
D’invité de dernière minute, il est devenu en l’espace de deux rencontres un parfait animateur de début de soirée. Mardi contre le HC Ajoie? Deux présences lors de la période initiale et deux buts à la clé (1ère et 4e minutes). L’attaquant genevois, «monsieur 100% de réussite en entrée de match», a remis cela vendredi contre Bienne. Un puck récupéré à la bande après une quinzaine de secondes et, au terme de l’action, une ouverture de la marque du capitaine Simon Moser.
Même si le résultat, au final, diffère d’un soir à l’autre, il y a toujours Kast pour dégager le terrain. Remercié par les dirigeants grenat ce printemps – décision qu’il n’a toujours pas digérée - l’ancien junior de GE Servette tente de retrouver la confiance chez les Ours dans un contexte pas forcément évident pour lui (il termine actuellement son master en droit du sport et droit pénal à Neuchâtel), loin de son épouse Olivia et de ses deux filles Aria et Evy Charlotte restées à Genève. Interview.
Timothy Kast, comme dit le dicton, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Le vôtre, en l’occurrence.
Au regard de ce que j’ai montré lors de la préparation, je ne pense pas vraiment mériter d’être 13e ou 14e attaquant. On en a parlé avec la direction, elle semble en être consciente. Simplement, plusieurs jeunes arrivent et ont besoin de temps de jeu pour se développer. Je sais pourquoi j’ai été engagé ici, l’effectif est assez restreint. Dès lors, quand l’occasion de jouer se présente, comme c’est le cas actuellement, j’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice.
Rarement en tout cas un 13e attaquant n’avait été aussi productif et finalement rentable pour une équipe!
J’essaie en tout cas de me vendre (il sourit). Cela a toujours été une de mes particularités, et finalement une force, soit de me rendre utile pour le groupe et de ne pas créer d’histoire. Tirer la gueule parce qu’on se retrouve en tribune, cela n’avance à rien. J’ai confiance en mes capacités, je sais ce que je peux apporter. J’étais au clair en arrivant ici, je savais que je commencerais en «extra». Finalement, il est rare pour un surnuméraire de se retrouver propulsé dans les deux premiers blocs. Pour moi, c’est tout bénéfice. Avec un +4 sur les deux derniers matches, je n’ai pas trop à me plaindre.
On peut donc parler d’une bonne relance après ce départ forcé de Genève le printemps dernier?
Ça me fait du bien, incontestablement. La dernière saison a été compliquée aux Vernets. J’ai toujours essayé de rester positif bien que l’on m’ait fait comprendre très tôt que l’on ne comptait plus sur moi. J’ai fait du mieux que je pouvais. J’ai continué de m’entraîner, je n’ai pas lâché, malgré une longue période passée en tribune.
Ça, c’était avant que l’on refasse appel à vous au cœur de l’action dès décembre.
L’équipe s’est retrouvée un peu sous pression et les joueurs étrangers ont sans doute appuyé pour que je réintègre l’alignement. Dès lors, je ne l’ai plus quitté, que ce soit en défense ou en attaque.
Vous l’avez finalement quitté après la finale perdue contre Zoug, puisque vous n’entriez plus dans les plans de la direction. Cela a été dur à encaisser?
À 20 ans, cela aurait été différent. Mais à mon âge (33 ans), avec une famille à Genève, j’aurais voulu rester, évidemment. La tendance qui se dégage actuellement un peu partout est de bâtir avec les joueurs du cru. À Genève, on les vire! Je pensais pourtant y faire du bon job, je pensais également que de pouvoir s’appuyer sur des gars du club représentait une plus-value aux yeux du public. Et puis, je n’avais pas non plus de grandes prétentions financières. En tous les cas, je n’explosais pas le budget. Niveau rentabilité, j’avais des atouts à faire valoir. Mais la direction en a décidé autrement.
À vous entendre, on sent que la blessure est encore vive.
Si je pensais être «passé de date», je pourrais le comprendre et l’accepter, je n’aurais même aucune peine à ranger les patins. Lors des deux derniers matches, j’ai prouvé que je pouvais encore avoir de l’influence dans le jeu, c’est cela qui me fait le plus de peine. Mais avoir été mis au placard de la sorte, oui, il y a encore de l’amertume.
On a l’impression que vous vous retrouvez à devoir prouver que vous méritez votre place, un peu comme un junior à qui on offre la chance de jouer en première équipe. On se trompe?
J’ai passé ma carrière à devoir prouver aux gens qu’ils avaient tort. Au sortir des juniors, on ne m’a pas donné ma chance. Je suis parti à Bâle puis à La Chaux-de-Fonds. Jusqu’à l’été 2014. On s’est peut-être dit à l’époque: «Engageons Tim, on pourra toujours le refourguer en LNB si ça ne fonctionne pas.» Aujourd’hui, je tente de montrer à ma manière que des gens ont pris des mauvaises décisions, c’est tout.
Que pensez-vous pouvoir apporter à ce CP Berne qui sort de deux saisons manquées.
Je ne suis pas un joueur spectaculaire, mais je sais être efficace devant le but. Niveau qualité/prix, je pense être assez attractif sur le marché. Malgré tout, beaucoup d’organisations ont préféré me tourner le dos. J’entretiens de bonnes relations avec Chris (McSorley, entraîneur à Lugano), mais cela ne s’est pas fait. Avec la famille restée à Genève, cela n’aurait d’ailleurs pas été une bonne solution. Là, je suis à deux heures de train de la maison, je profite des congés pour m’y rendre le plus souvent.