Commentaire: Loi sur le tabac: le long règne de l’enfumage se poursuit

L’évolution de la loi sur le tabac en Suisse est compliquée et tortueuse comme les volutes de la fumée. Après des années de tergiversations, le Parlement a enfin voté une loi sur les produits du tabac en octobre 2021. Elle impose certes de nouvelles contraintes, notamment publicitaires, pour les cigarettiers, mais ces derniers ont sauvé l’essentiel. Il faut maintenant attendre l’ordonnance du Conseil fédéral qui concrétise les dispositions de cette loi. L’ordonnance est en cours d’élaboration et sera mise en consultation cet été.

Si tout se passe comme prévu, le Conseil fédéral estime que la loi et l’ordonnance devraient entrer en vigueur une année plus tard, à l’été 2024. En la matière, le conditionnel est de rigueur. Entretemps, en février 2022, ce coquin de peuple, contre l’avis des autorités fédérales, a accepté l’initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac». Ce texte charge dorénavant le Conseil fédéral et surtout le Parlement d’introduire davantage de restrictions publicitaires dans ladite loi.

Le dossier retourne donc aux Chambres fédérales, qui ont démontré par le passé à quel point elles étaient peu disposées à faire avancer la cause sanitaire face aux géants du tabac qui ont un siège en Suisse. L’initiative contient cependant une exigence très claire: les jeunes ne doivent plus être en présence de publicité pour le tabac, quel que soit le support: affiche dans la rue, dans les manifestations, dans la presse ou sur internet.

Le Conseil fédéral écrit que la mise en œuvre de l’initiative «devrait intervenir en 2026». Encore du conditionnel. Tout dépend maintenant de l’attitude des partis bourgeois face aux lobbyistes du tabac, qui sont comme chez eux au Parlement. La mise en application de l’initiative, qu’ils ont jugée trop excessive et néfaste à leurs affaires, risque de prendre un temps bien plus long, que celui promis par le Conseil fédéral aujourd’hui. «Difficile à dire. On verra», a répondu mercredi Alain Berset à cette épineuse question.

Pendant ce temps, des milliers de jeunes se mettront à fumer après avoir été subtilement influencés par des campagnes de publicité. Et pour ceux-là, chaque année qui passe est une année de trop.