Bande dessinéeUn album au parfum de liaisons dangereuses
Après le génial «Les Indes fourbes», Alain Ayroles fait son Choderlos de Laclos avec une histoire entre amours et complots, bercée au rythme des lettres.
- par
- Michel Pralong
S’il est un scénariste de BD qui sait faire chanter les mots, c’est Alain Ayroles. Il use avec malice de sa culture littéraire pour jouer avec les genres. Il a réinventé l’histoire du prince et de la grenouille dans le bondissant «Garulfo», dessiné par Maïroana. Il a créé le récit de cape et d’épée animalier avec «De cape et de crocs», dessiné par Jean-Luc Masbou, y mêlant «L’avare» de Molière à Cyrano de Bergerac. Et il a embarqué le lecteur dans l’Amérique du Sud du XVIe siècle avec le magistral «Les Indes fourbes», dessiné par l’auteur de «Blacksad», Juanjo Guarnido.
Autant dire que chaque nouvelle série est attendue. Lorsqu’on a appris qu’il s’associait avec Richard Guérineau, dessinateur du «Chant des Stryges», on ne pouvait que se réjouir. Encore une fois, Ayroles brouille les cartes d’emblée, faisant croire que ce récit est issu de la correspondance retrouvée du chevalier de Saint-Sauveur. Cette série prévue en trois tomes devrait suivre le parcours de cet homme, décrit comme une sorte de génie du mal, sorte de Fantomas des Lumières, durant tout le XVIIIe siècle.
À la manière des «Liaisons dangereuses» de Choderlos de Laclos, voici donc une BD épistolaire, qui déroule des intrigues compliquées à travers des correspondances. C’est machiavélique, surprenant et plein de suspense, mais cela reste encore un peu obscur. Nul doute que la lecture des trois tomes nous apportera toutes les réponses (pour ne pas dire lumières) et se révélera au final d’une délicieuse perversité. Vous pouvez en lire un extrait sur le site de Delcourt pour vous convaincre.
Masbou s’attaque à Conan
Que devient de son côté Jean-Luc Masbou, le talentueux dessinateur animalier de «De capes et de crocs»? Il a totalement changé d’univers, illustrant l’un des albums de la fantastique collection «Conan» de Glénat. Quoi qu’il ne s’éloigne pas tant que ça… Le récit «Le maraudeur noir», écrit par Robert E. Howard, est sans doute l’un des moins «barbares» de tous. On y retrouve le héros cimmérien au second plan dans une histoire de… pirates. Et de la piraterie, il y en avait beaucoup dans «De cape et de crocs». Sauf qu’ici, c’est beaucoup moins drôle et infiniment plus violent et sanglant. Ce qui est sûr, c’est que Masbou montre qu’il est à l’aise dans le dessin réaliste et nous offre une nouvelle perle dans cette collection qui les égraine comme un collier.