Sports d’hiver – Le fluor, une matière miracle bientôt interdite

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Sports d’hiverLe fluor, une matière miracle bientôt interdite

La FIS tente d’interdire le fartage des skis au fluor depuis désormais deux ans. Le produit est devenu indispensable dans les compétitions. Aucun substitut n’est à l’horizon.

Rebecca Garcia
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Rebecca Garcia
Autant en biathlon (à l’image) qu’en ski de fond, le fartage est une étape indispensable pour espérer avancer vite.

Autant en biathlon (à l’image) qu’en ski de fond, le fartage est une étape indispensable pour espérer avancer vite.

AFP

Ça ne farte plus tant, surtout avec le fluor. La substance peine à s’en aller des skis, lui qui permet de tant glisser sur l’or blanc. Le produit est autant utilisé en biathlon que par les fondeurs. Son prix le destine plutôt aux compétiteurs, même s’ils devront bientôt s’en passer. «Je peux bientôt utiliser les réserves de mon fils», témoigne une sportive basée à Fribourg.

La Fédération internationale de ski voulait en effet bannir la substance des compétitions depuis 2020. Deux années plus tard, le fluor conserve pourtant toujours un sursis. La FIS et l’Union internationale du biathlon (IBU) peinent à s’en débarrasser. La principale raison est simple: les organisateurs ne peuvent pas s’assurer du respect de la règle. Le processus de détection est lent. Trop lent pour espérer l’utiliser de manière régulière sur les pistes.

«C’est impossible de contrôler les skis avant une compétition», tranche Laurent Donzé, président de Romandie ski de fond (RSF). «C’est bien trop compliqué», confirme Andrej Neff, serviceman au sein de Swiss-Ski.


Laurent Donzé possède une autre casquette: celle de chimiste. «Une fois que l’on a détecté des traces, on fixe à quelle limite les résidus de fluor? Où prélève-t-on le produit: en haut, en bas ou au milieu du ski?» questionne celui qui possède également un musée du ski de fond. Pour lui, les contrôles après la course gâchent les célébrations. Dans des cas extrêmes, des compétiteurs seraient capables de frotter un peu de substance pour faire disqualifier leurs concurrents.

«Les petites fédérations ne peuvent pas lutter contre celles qui ont le budget pour de la R&D.»

Andrej Neff, serviceman au sein de Swiss-Ski.

Chaque fédération planche sur une solution. Swiss-Ski s’est lancé dans un projet, à l’instar d’autres grandes fédérations. Celles qui ont moins de ressources devront attendre pour s’aligner sur les produits retenus. «Pour l’instant nous essayons encore d’avoir des informations à utiliser. Rien n’est au même niveau d’efficacité que le fluor, surtout sur la neige mouillée», insiste Andrej Neff, de Swiss-Ski.

Autant la FIS que l’IBU espèrent définitivement bannir la substance d’ici à la fin de la saison, mais rien n’est encore acté. «J’ai le droit de vendre mes produits jusqu’à fin 2022», glisse la gérante de Joseph Sports à Sainte-Croix. Elle en a eu la confirmation via un courrier. La lettre précise que cette disposition s’applique exclusivement à la saison 2021/22 et que les prochaines démarches dans le cadre de l’interdiction du fluor «ne sont pas encore connues à l’heure actuelle.»

Pourquoi interdire?

Cette difficulté à chasser les produits fluorés s’explique aussi par les raisons de l’interdiction. «Beaucoup de rumeurs ont circulé», lance Andrej Neff. Est-ce une question de danger, d’environnement ou d’équité? Un peu de tout, à en croire les différentes entités impliquées.

Contacté, l’expert en fluor de la FIS Atle Skaardal évoque une dangerosité à deux niveaux. «Ce n’est sain ni pour les personnes qui l’appliquent, ni pour l’environnement», répond-il. Le journal «L’Équipe» a publié un long format édifiant sur la dangerosité du produit. Il le lie à des cancers et maladies survenues chez ceux qui réalisent le service technique d’équipes nationales.

Une étude abonde en ce sens. «Pendant l’application du produit de fart, les farteurs entrent en contact direct avec les substances fluorées, surtout quand le produit est appliqué sans aucune protection», relèvent les scientifiques de Wood, mandatés pour l’occasion. La dangerosité n’est pas forcément connue des farteurs. «Nous avons utilisé ce type de produits pendant des années», glisse encore Murielle Montandon-Joseph.


Laurent Donzé nuance quelque peu le débat. Pour lui, la décision apparaît comme un peu trop drastique au vu des éléments à disposition. «L’idée de réduire l’usage des produits fluorés est une bonne chose, mais l’importance qu’on leur donne est démesurée», explique-t-il. Une importance amplifiée peut-être par la question environnementale.  «C’est l’une des raisons principales», note Andrej Neff. Le ski de fond appelle forcément à un respect de la nature, incompatible avec du fluor déversé sur la neige.
Le dernier argument qui justifie l’interdiction réside dans l’aspect sportif. Les compétiteurs ne sont pas tous en mesure de s’offrir ces fartages au fluor. Cela crée des disparités, avec des skieurs qui surclassent largement leurs concurrents. «La différence de glisse est énorme», précise Murielle Montandon-Joseph. Trouver une manière de contrôler rapidement les skis devient urgent. À l’heure actuelle, tout se joue sur la confiance. Les autorités de ce sport comptent sur la bonne volonté des pratiquants. «C’est louable», relève un peu sarcastiquement Laurent Donzé. Lucide, il sait que des tricheurs évoluent dans chaque sport.

La FIS s’attelle à trouver cette solution tant attendue, mais elle se doit de rester prudente. «Si l’on se rend compte que le nouveau produit est nocif, il faudra tout recommencer depuis le début», avertit Atle Skaardal. Toujours est-il que l’interdiction devrait enfin entrer en vigueur l’été prochain.

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