Royaume-UniLa fin du chômage partiel fait craindre une crise sociale
L’aide gouvernementale à l’emploi a permis d’éviter une hausse du chômage qualifiée de «catastrophique» par les experts. Il aura duré 18 mois.
La fin jeudi du dispositif gouvernemental de chômage partiel, qui a soutenu l’emploi au Royaume-Uni pendant la pandémie, fait craindre à certains économistes une hausse du chômage qui pourrait frapper surtout les plus fragiles.
Le programme d’aide à l’emploi gouvernemental «a permis d’éviter des hausses catastrophiques du chômage» au plus fort de la pandémie, mais le risque d’une augmentation du nombre de chômeurs «est toujours réel», d’autant qu’elle se produirait au même moment qu’une baisse des minimas sociaux, remarque Daniel Tomlinson, économiste du centre de réflexion Resolution Foundation.
En 18 mois, le programme a soutenu près de 12 millions d’emplois dans les secteurs contraints de fermer ou freiner leur activité à cause du coronavirus, en finançant jusqu’à 80% des salaires à hauteur de 2.500 livres par mois.
Un million en dépend encore
Mais près d’un million de personnes dépendaient encore intégralement de ce dispositif pendant l’été et «certains perdront leur emploi» lorsqu’il s’arrêtera jeudi, prévient le centre de réflexion Institute for Fiscal Studies (IFS).
Certains salariés, dans la construction ou la production manufacturière, sont «particulièrement à risque», selon l’institut. 270.000 personnes sont concernées, dont «la moitié vit dans un foyer où un seul adulte travaille» et qui pourraient se retrouver en situation très précaire, poursuit l’IFS.
Les Londoniens sont aussi plus exposés, alors que la capitale concentre 19% des bénéficiaires du chômage partiel, tout comme les plus de 60 ans qui «ont du mal à retrouver du travail» et risquent de quitter définitivement la population active, note encore l’IFS.
Le taux de chômage se situait à 4,6% en juillet, après un sommet à 5,2% fin 2020. Avant la pandémie, il se maintenait un peu en dessous de 4%.
Qualifications inadaptées
Le chômage partiel, qui a coûté près de 70 milliards de livres au gouvernement britannique, a initialement aidé les travailleurs les plus jeunes à amortir le choc de la pandémie, particulièrement présents dans la distribution ou l’hôtellerie-restauration qui ont dû fermer leurs portes pendant de longs mois avec les restrictions sanitaires.
Il concerne aujourd’hui davantage des salariés plus âgés, abonde Daniel Tomlinson.
Les économistes et certaines ONG avertissent aussi que la baisse des minimas sociaux dès la semaine prochaine, s’ajoutant à une hausse des prix de l’énergie de 12% au 1er octobre, pourrait aggraver les risques de voir les plus vulnérables basculer dans l’extrême pauvreté.
Cette conjonction de facteurs risque même de créer une «crise massive» qui verra le nombre de sans-abris augmenter dans le pays, selon le magazine The Big Issue, dont les recettes sont destinées à aider les personnes pauvres ou sans domicile fixe.
Emplois vacants
Pour autant, la fin du chômage partiel «ne sera pas un grand problème pour l’économie britannique, car le PIB a rebondi à un niveau suffisamment élevé» pour soutenir l’emploi, estime Paul Dales de Capital Economics.
Le chômage pourrait remonter à 4,9% en octobre mais devrait recommencer à baisser en novembre, selon lui, et l’arrêt du dispositif «pourrait aider à améliorer une partie des pénuries de main d’oeuvre» qui touchent actuellement le pays, assure-t-il.
La reprise au Royaume-Uni, qui a perdu de l’élan avec une hausse du PIB de seulement 0,1% en juillet, est freinée par des manques importants de travailleurs dans certains secteurs. Le pays dénombre plus d’un million d’emplois vacants, un record.
Mais les organisations professionnelles britanniques avertissent que l’arrivée de nouveaux chômeurs sur le marché du travail ne résoudrait pas les pénuries de main d’oeuvre, malgré des salaires en hausse dans les secteurs qui manquent de bras, comme le transport routier.
Le cas des chauffeurs de poids lourds est emblématique: il en manquerait 100.000 dans le pays, en raison notamment de la pandémie et du Brexit, ce qui se traduit pas des problèmes d’approvisionnement de plus en plus critiques dans tous les secteurs de l’économie britannique.
Mais des salariés qui voudraient se reconvertir auraient besoin de temps: «La conduite d’un camion est un travail qualifié (...) et il n’y a tout simplement pas assez de capacité de tests de conduite pour augmenter rapidement le nombre de chauffeurs», résume Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown.
Le gouvernement conservateur s’est finalement résolu samedi à amender sa politique d’immigration post-Brexit et à accorder jusqu’à 10.500 visas de travail, mais pour trois mois seulement pour les chauffeurs routiers ou secteur de la volaille, où les manques de bras étaient le plus criants.