Venise est en péril«S’il vous plaît, ne venez plus!»
L’Unesco a recommandé lundi de placer la ville sur la liste du patrimoine mondial en péril. En cause, le tourisme de masse et les effets du réchauffement climatique.
Tout un symbole: le légendaire pont du Rialto à Venise est bondé en ce dernier lundi de juillet, le jour même où l’Unesco recommande que la ville soit déclarée en péril, en raison notamment du tourisme excessif. Occupés à prendre des selfies, déguster une glace ou traîner leurs valises, les hordes de touristes semblent joyeusement inconscients de la menace pesant sur le statut à l’Unesco de la perle lagunaire.
Des changements irréversibles
L’agence des Nations Unies estime que le changement climatique et le tourisme de masse risquent de provoquer «des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle» de la cité du nord-est de l’Italie, baignée par la mer Adriatique. «C’est incontrôlable», déplore Antonio Vertotto. Ce gondolier reproche aux gouvernements successifs de n’avoir «rien» fait ces dernières années pour réduire l’affluence de visiteurs, qu’ils soient italiens ou étrangers.
Parmi la foule amassée sur le pont historique, Diego Nechifrovo, 23 ans, porte un tee-shirt #EnjoyRespectVenezia (Profitez et respectez Venise). Le rôle de cet agent municipal est de veiller au bon comportement des touristes. «Parfois, je vois quelqu’un jeter sa cigarette ou se promener sans tee-shirt». Le pire? Une fois, une famille «s’est assise juste devant le palais des Doges et a commencé à préparer un pique-nique». Il y a quelques semaines, un touriste distrait est tombé à l’eau, raconte Nechifrovo. «Il essayait de prendre une bonne photo».
«Ils ne savent même pas ce qu’est un musée»
Non loin de là, un vendeur d’aquarelles affiche sur son stand une pancarte indiquant la place Saint-Marc. «C’est tout ce qu’ils veulent savoir», explique Claudio, un Vénitien d’origine qui n’a pas voulu donner son nom de famille. «Ils viennent à Venise parce que c’est Venise. C’est tout.»
L’époque où les touristes visitaient et appréciaient les nombreuses églises et musées de la ville est révolue, selon lui. «Ceux qui viennent aujourd’hui ne savent même pas ce qu’est un musée. Ce n’est pas du tourisme culturel», peste-t-il. «S’il vous plaît, ne venez plus!».
Une réservation obligatoire?
Il y a deux ans, Venise a évité de justesse d’être inscrite par l’Unesco sur la liste des sites en péril, n’y échappant qu’après avoir interdit aux énormes navires de croisière de passer devant le centre.
Les autorités locales parlent depuis des années de mettre en place une réservation obligatoire pour les touristes, sans toutefois la mettre en application. Le projet est reporté jusqu’en 2024, les autorités craignant qu’un tel système, contraignant, ne grève les recettes touristiques et gêne les flux.
Sur la place Saint-Marc, Lorenzo Seano, employé municipal de 21 ans, s’efforce d’empêcher les touristes de s’asseoir sur les marches des arcades qui l’entourent. Selon lui, le problème de l’invasion des villes par un trop grand nombre de touristes dépasse largement le cadre de Venise, mais aucun gouvernement n’a essayé de s’attaquer au problème «à un niveau structurel». «Après tout, il y a beaucoup d’argent qui rentre», souffle-t-il.