Attentats de ParisAu procès du 13 Novembre, aperçu d’une radicalisation «familiale»
La Cour a entendu mercredi la sœur aînée et la nièce des frères Clain, tous deux présumés morts en Syrie et jugés en leur absence.
La sœur aînée et la nièce des frères Clain, jugés par défaut au procès du 13 Novembre, ont laissé entrevoir devant la Cour les mécanismes d’une radicalisation «familiale» mais donné peu d’informations sur ceux qui sont les «voix» françaises des revendications des attentats.
«Une belle connerie»
«Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu’il s’est passé dans votre famille?» demande le président de la Cour d’assises spéciale, Jean-Louis Périès, à Anne Diana Clain, entendue comme témoin depuis sa prison de banlieue parisienne.
Ses frères Fabien et Jean-Michel, présumés morts en Syrie en 2019, font partie des six accusés jugés en leur absence.
De son côté, elle a été condamnée à 9 ans de prison pour avoir tenté de rejoindre le groupe État Islamique avec quatre de ses enfants et son mari – présenté comme celui qui a converti le clan Clain à la fin des années 90.
Devant les enquêteurs, Anne Diana Clain avait formellement reconnu les voix de ses «petits frères» sur le message audio sur fond de chant religieux diffusé au lendemain des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.
Entendue en visioconférence, cette rousse aux longs cheveux bouclés d’aujourd’hui 46 ans raconte volontiers la «recherche spirituelle» de la famille, puis la conversion à l’islam, «les uns après les autres. On était dans l’extrême quasiment depuis le début», précise-t-elle.
La Cour relit une note des renseignements de 2003, qui décrit l’appartement de leur mère (dernière convertie), «tapissé» de photos de la Mecque, où des couvertures sont tendues pour séparer les hommes et les femmes – qui ne se déplacent qu’en burkas noires.
Anne Diana Clain acquiesce. Elle confirme aussi un déménagement collectif de la famille d’Alençon vers Toulouse pour «mieux vivre l’islam», puis «le but ultime: vivre dans un État où il n’y avait que des musulmans».
«Tout le monde est parti» en Syrie, résume-t-elle. «Une belle connerie», complétera celle qui a «changé» en prison.
«Ils travaillent pour les médias»
Mais sur ses frères, on n’apprendra rien. Elle ne sait rien sur tel séjour en Belgique ou cet autre en Égypte. «Pour moi, c’était pour apprendre l’arabe», avance-t-elle. Elle n’estime pas, contrairement aux enquêteurs, qu’ils avaient une «influence» sur le reste de la famille, ne peut rien éclairer sur leur «rôle sur zone» et n’a pas de souvenirs de «propos haineux». «Pour moi ils étaient juste chanteurs pour l’EI», dit-elle encore.
Le président rappelle des passages de leurs «anasheed» (chants religieux) : «Il nous faut taper la France, il est temps de l’humilier.» «Il nous faut de la souffrance et des morts par milliers.»
Après Anne Diana Clain, c’est sa fille Jennifer qui est entendue, depuis une autre prison. Comme pour sa mère, les questions tournent plus autour de son propre parcours que celui de ses oncles. Il s’agit de «comprendre», répète un avocat de parties civiles.
«Quand on est là-bas, on oublie qu’on peut penser par soi-même», finit-elle par dire. Les attentats parisiens, «ça m’avait fait mal au cœur, mais j’avais mis ça de côté».
Mariée à 15 ans, «à la maison», avec une connaissance de ses oncles, elle a rejoint la Syrie en 2014 avec ses enfants et en est partie en 2017, déçue de dirigeants de l’EI plus soucieux de «leur intérêt personnel» que «de Dieu», explique-t-elle. Elle n’a pas encore été jugée.
La jeune femme d’aujourd’hui 30 ans au look strict et cheveux tirés en chignon avait caché son départ de Syrie à ses oncles, qu’elle ne voyait que peu, balaie-t-elle. «Je sais juste qu’ils travaillent pour les médias, à la radio, dans les magazines de Daesh.»
«Ils faisaient du prosélytisme?» demande le président. Elle émet un petit rire. «Oui clairement.» Si elle a «vu toutes les vidéos de Daesh», elle ne peut pas dire si elles ont été confectionnées par ses oncles. Fabien était «ingénieur du son», avance juste Jennifer Clain.
Ont-ils combattu? Ont-ils choisi des cibles pour les attentats?
«Je vais vous parler sincèrement, tout le temps que j’ai passé à Daesh, j’ai toujours cru que les médias avaient grossi ça et que mes oncles n’avaient rien à voir là-dedans.»