InterviewRoméo Elvis au Paléo: «Les scores ne m’intéressent plus»
Le rappeur belge de 29 ans a été profondément changé par le confinement et le mariage. À voir jeudi sur la scène Véga.
- par
- Laurent Flückiger
En 2018, Roméo Elvis rappait pour la première fois au Paléo. En 2022, il revient pour y chanter. L’image est un peu caricaturale. Pourtant, la différence est claire entre ce que le Belge a pu produire par le passé avec Le Motel et son dernier album, «Tout peut arriver», sorti fin mai. L’artiste de 29 ans se lâche beaucoup plus sur la voix. Il y a aussi une grande sincérité qu’on ne lui avait pas connue jusqu’ici. Comme il le dit lui-même, le confinement et le mariage l’ont fait voir la vie autrement.
Avant de monter sur la scène Véga dans la nuit de jeudi à vendredi à 1 h du matin, avant sans doute une présence aux côtés de sa sœur, Angèle – elle joue sur la Grande Scène à 23 h 30 –, Roméo Elvis nous parle de doute, de variété et de son bonheur de venir en Suisse.
Roméo Elvis, vous faites la tournée des festivals. C’est une période que vous aimez bien?
Oui! On fait la teuf, on se retrouve avec toute l’équipe, c’est le moment de l’année qu’on attend le plus!
Vous avez un album tout frais à défendre sur scène. Comment vous allez le transposer en live?
J’ai des très bons musiciens, un batteur, un bassiste, un claviériste et un DJ qui fait aussi office de guitariste. D’ailleurs, moi je joue aussi de la guitare durant le show.
Vous revenez au Paléo jeudi après un premier passage en 2018. Quel souvenir en gardez-vous?
C’était génial. Comme chaque moment passé en Suisse. On est bien reçu, on y mange bien, on respire un air frais et on est avec des gens qui nous comprennent, parce qu’on est deux petits pays francophones à côté de la grande France. Chaque fois que je viens je me sens heureux et j’espère y passer le plus de temps possible.
Vous jouez au Paléo le même soir que votre sœur, Angèle. Vous nous réservez quelque chose ensemble, n’est-ce pas?
À l’heure qu’il est (ndlr.: en juin, lors de notre interview), je ne peux rien garantir parce que ça dépend de beaucoup de paramètres et on ne veut pas faire de déçus. Mais évidemment qu’on y pense et qu’on en a grave envie. D’autant plus que la dernière fois qu’on a joué tous les deux sur la même scène et qu’on a échangé un regard sur les planches remonte à loin.
Sur votre dernier album, vous chantez beaucoup plus qu’avant. Pourquoi cette évolution?
Je suis un fan de musique au sens large, je n’écoute pas que du rap. En ce moment, c’est surtout du chant. Et je pense que ça se ressent quand c’est moi qui produis, ça devient complètement pop, variét'.
Donc ce n’est pas parce que vous vous sentez plus en confiance?
Si, aussi. En 2015, quand j’ai commencé le rap, je me sentais moins à l’aise avec la chanson. Aujourd’hui, la mélodie fait partie du rap en général, et ça me permet d’affirmer davantage mes préférences musicales.
Dans l’album, vous dites: «Le doute, c’est la création.» Est-ce le doute qui vous a aidé à faire ce disque?
Oui, on a une vision du doute trop négative. Or, il est nécessaire dans le développement d’un être humain. J’ai beaucoup douté sur cet album, ce qui m’a permis d’avoir un résultat homogène et qui peut parler plus que mes projets précédents en termes de spiritualité. La marche, aussi, a été une méthode de création très efficace. Sortir de chez soi, s’aérer pour stimuler son potentiel intellectuel.
Vous dites aussi dans «Bien»: «J’ai moins peur de la mort que de me faire oublier.» Pouvez-vous nous l’expliquer?
C’est ce que le père d’un pote mort m’a dit un jour à propos de son fils et qui m’a marqué. Les scores ne m’intéressent plus. Avoir servi à la vie de quelqu’un à travers ma musique – même si ce n’est pas mon objectif – me paraît beaucoup plus important, plus beau.
Plus loin, vous clamez: «C’est fou ce que la vie est belle.» Aujourd’hui, vous vous sentez mieux que jamais?
Oui. Le fait d’avoir été interrompu par le Covid alors que je vivais ma meilleure vie m’a fait me rendre compte que je devais la savourer encore plus. Je me focalisais sur trop de choses, j’étais dans un rythme effréné et je ne le réalisais pas. Jusqu’à ce que le confinement nous tombe dessus. Je me suis retrouvé juste avec ma femme deux mois d’affilée à ne rien faire. Le fait de partir plus longtemps en vacances, de me marier m’a fait comprendre qu’il fallait faire passer la vie avant la carrière.