Relookage des billets en eurosUn défi de taille pour mettre tout le monde d’accord
Vingt ans après leur mise en circulation, la Banque centrale vient d’annoncer un toilettage du graphisme des billets en euros. Il s’agira de trouver des motifs dans lesquels tous les Européens puissent s’identifier.
Le 1er janvier 2002, l’euro faisant son arrivée fracassante dans le porte-monnaie de millions d’Européens.
Vingt ans après les faits, la Banque centrale vient d’annoncer le projet d’un toilettage du graphisme des billets, afin de les rapprocher davantage des citoyens.
Mais Robert Kalina, l’Autrichien qui les avait conçus à l’origine, s’attend à un vif débat entre Européens sur le sujet avec le risque de voir ressurgir les rivalités nationales.
Longtemps inconnu du grand public, il était ressorti vainqueur d’un concours organisé en 1996 pour concevoir la série de sept billets, de 5 à 500 euros.
Bâtiments réels vulgarisés
Ses créations imprimées au départ à 14,5 milliards d’exemplaires, ont aujourd’hui presque doublé de volume, en circulant dans les poches de près de 350 millions d’Européens et dans le monde entier.
Il avait dû surmonter jadis une difficulté de taille: trouver des motifs dans lesquels tous les Européens puissent s’identifier, sans être rattachés à un pays en particulier ni paraître pour autant froids ou anonymes.
Le cahier des charges interdisait le recours à tout symbole d’identité nationale comme les portraits de personnages célèbres, utilisés habituellement pour les coupures nationales.
«Les portraits auraient également pu être autorisés, mais qu’avec des visages anonymes. J’ai exclu cette piste dès le départ», sourit-il. L’idée lui est venue de recourir à l’architecture.
S’inspirant de bâtiments réels, il a retravaillé et simplifié leur image avec un ingénieur en architecture et un autre en construction de ponts afin que les ouvrages «ne soient plus reconnaissables».
Nouveaux dessins en 2024
Ces derniers reflètent de manière symbolique des siècles d’histoire européenne, du classicisme greco-romain sur les billets de 5 euros à l’architecture moderne sur les billets de 500, ces derniers étant les seules coupures de la série ayant disparu.
Le dessinateur a aussi voulu véhiculer des symboles forts: les fenêtres et portails représentent «l’ouverture et la vision du futur», quand les ponts font figure de «connexion entre les pays européens mais aussi de l’Union européenne avec le reste du monde».
Malgré les nombreuses crises qui ont scandé les deux premières décennies de l’euro, Robert Kalina juge que le symbolisme derrière ses créations «reste valable». Or, la BCE a annoncé début décembre son projet de nouveaux dessins sur les billets en euros d’ici 2024.
Après vingt ans, «il est temps de revoir l’aspect de nos billets pour les rendre plus parlants pour les Européens de tous âges et de toutes origines», a résumé la présidente de l’institut, Christine Lagarde.
Ainsi des personnages historiques ou des monuments emblématiques du continent pourraient être choisis pour la prochaine série, après les avis reçus d’un groupe de 19 experts, un par État membre de la zone euro, et du public.
«La question est de savoir si les gens ont suffisamment évolué pour supporter que, par exemple, des personnes connues soient représentées», même si elles font partie d’abord de l’héritage d’un pays en particulier, s’interroge Robert Kalina.
Et la jalousie?
«La jalousie ou quelque chose d’autre ne vont-ils pas finir par ressurgir?», s’interroge-t-il, avec encore en mémoire les débats enflammés sur le sujet dans les années 1990.
La musique, outre qu’elle adoucit les mœurs selon le vieil adage, peut être une solution à son avis, avec de «grands compositeurs qu’on ne peut réduire à un seul pays, comme Beethoven ou Mozart».
La musique «est une langue où l’on n’a pas besoin de mots et que tout le monde comprend», explique-t-il.
Quant à savoir si son choix pourrait convenir aux Européens de Tampere en Finlande jusqu’à Thessalonique en Grèce? «C’est là que le problème commence!»