Cinéma«The Creator», enfin de la bonne science-fiction
Gareth Edwards, réalisateur de «Monsters», «Godzilla» et de «Star Wars: Rogue One», a conçu un film remarquable sur quelques aspects clés.
- par
- Jean-Charles Canet
En 2065, la robotique et l’intelligence artificielle ont radicalement bouleversé le fonctionnement des sociétés humaines. Jusqu’au jour sombre ou une bombe atomique éclate au cœur de Los Angeles provoquant la mort d’un million de personnes. L’IA est accusée d’avoir déclenché la déflagration et l’Occident (comprenez les États-Unis) décide d’éradiquer de la planète toute forme d’intelligence artificielle. Et entre en conflit avec la Nouvelle Asie qui ne partage pas l’analyse de l’Oncle Sam. Voilà pour la mise en contexte que «The Creator» fait habilement par le biais de reportages d’actualité tout au début du film.
Il nous est donné ensuite de faire la connaissance de Joshua (John David Washington), soldat US infiltré en Nouvelle Asie. Ce dernier file le parfait amour avec Maya (Gemma Chan), sa compagne enceinte. Une frappe depuis un satellite américain géant le rend veuf, rapatrié et désespéré. Cinq ans plus tard, l’armée, affirmant qu’une IA rebelle est en passe de mettre en service une arme décisive contre les forces occidentales et en faisant croire que Maya n’a en fait pas péri, lui demande de reprendre du service. Il accepte. Il n’est pas au bout de ses surprises.
Un certain bon sens visuel
Avec «The Creator», il est probable que vous ne verrez pas meilleur film de science-fiction cette année. Son ampleur visuelle nous a immédiatement surpris. Sans rivaliser avec les budgets pharaoniques des grosses productions endormies (Marvel ou DC, on ne choisit pas), les moyens plus modestes alloués au film sont très ingénieusement employés. Du coup, «The Creator» paraît bien plus opulent qu’il ne l’est vraiment. Cela se voit dès les premières minutes et jusqu’au bout de ses 2h13. Et les effets paraissent parfaitement intégrés aux prises de vues réelles, les effets pervers des «fonds verts» sont ici parfaitement contournés. Et puis Gareth Edwards a un indéniable sens visuel et sait rappeler que les éclats qu’on distinguait déjà dans «Monsters» et surtout dans «Godzilla», une descente onirique de soldats en parachute notamment, n’étaient pas là par hasard.
L’autre point fort du film est la solidité de sa distribution avec le charisme de John David Washington (découvert pour la plupart via «Tenet» de Christopher Nolan) et la subtilité de Madeleine Yuna Voyles, un nouveau visage, dans le rôle d’un robot enfant essentiel pour l’intrigue.
Et l’intrigue, parlons-en: cette dernière est suffisamment bien construite pour river le spectateur jusqu’au terme du film en brassant des thématiques (dont l’IA pour l’essentiel) parfaitement dans l’air du temps.
Succession de morceaux de bravoure
Si nous devions trouver un défaut pour ce spectacle bien mené, ce serait sur le fait que le film de Gareth Edwards est construit sur la base d’une succession de morceaux de bravoure qui ne laissent aucuns répits aux protagonistes de l’histoire. Ces éclats d’action sont bâtis pour l’essentiel sur des embuscades, des échanges de tirs. Des séquences très efficaces la première heure mais qui empêchent la seconde de développer des aspects plus politiques qui auraient pu propulser «The Creator» vers quelque chose de grand.
Malgré ce reproche qui fait que, à nos yeux, le film ne tient pas toutes ses alléchantes promesses, «The Creator» est le premier film de science-fiction que nous jugeons digne d’intérêt depuis… «Andor», si on se risque sur de la série télé. Ou depuis «Edge of Tomorrow» (2014) voire «Oblivion» (2013), deux longs métrages avec Tom Cruise sortis il y a presque dix ans.