TennisDaniil Medvedev, No 1 mondial de tous les possibles
Le Russe devient ce lundi le 27e No 1 mondial de l’histoire de l’ATP. Un avènement qui n’avait été annoncé par personne et dont personne ne peut prédire la durée.
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Daniil Medvedev . (Photo by PEDRO PARDO / AFP)
AFPDaniil Medvedev aurait mérité un sacre plus joyeux. Le Russe est devenu, lundi, le 27e No 1 mondial validé par l’ordinateur de l’ATP, le premier «hors Big Four» depuis 2004. C’est un événement, la fin d’une époque. Et la personnalité complexe, brillante et attachante de l’homme qui a accéléré l’histoire aurait de quoi noircir les gros titres. Seulement voilà, une défaite cinglante contre Nadal à Acapulco et la guerre engagée par son gouvernement en Ukraine sont venues jeter quelques réserves et un voile de pudeur sur cette consécration
«Le tennis n’est parfois pas si important.» Les premiers mots de Daniil Medvedev, jeudi après l’officialisation de sa future intronisation, résument le malaise et son recul. Ils viennent rappeler que le tennis se pare aujourd’hui d’un patron à la tête bien faite, ouvert sur le monde et capable de faire rire un stade ou une salle de presse. Alors certes, le plus Cannois des Moscovites «fissure» parfois, comme à Melbourne face à l’arbitre de sa demi-finale contre Tsitsipás. Mais il est aussi capable de défier le public de Flushing Meadows avant de se le mettre dans la poche lors d’un discours magnifiquement ficelé. Preuve de sa confiance en lui et de son intelligence.
«Quand je parle, zéro calcul»
«Tout ce que je fais, sur ou hors du court, c’est moi. Quand je parle, zéro calcul. Il n’y a pas de filtre. Je ne m’occupe pas trop de ce que les autres pensent. Je veux juste être naturel. Après je ne pense pas être un sale type (sourire).» La déclaration d’intention date de 2019, autour d’une table partagée en tête à tête au Masters 1000 de Madrid. Peut-elle résister à ce nouveau statut et à la blessure de cet Open d’Australie qui a «brisé le rêve de l’enfant en [lui]»? Il faut le souhaiter au tennis. Car Daniil Medvedev puise sa force dans son altérité, dans son être et surtout dans son jeu. Qui en effet aurait pu prévoir il y a neuf ans, lorsque cet adolescent désarticulé quittait Moscou pour poser son baluchon dans l’académie de Jean-René Lisnard qu’il s’installerait un jour sur le Toit du Monde?
Daniil Medvedev possède alors une petite réputation chez les juniors. Mais il est frêle, ses frappes à plat semblent anachroniques et inadaptées au plus haut niveau. Sa technique en coup droit est suspecte, comme son appétit pour les glaces et les jeux vidéo. «Parfois mon père me mettait un coup de pression. Il me disait: «là on n’a presque plus d’argent» et il trouvait que je ne me donnais pas assez. «Tu regardes trop la TV, tu joues trop à la PlayStation, tu devrais t’entraîner plus. Je détestais ces reproches parce que j’aime faire ce que je veux (rires).»
Daniil Medvedev aime faire ce qu’il veut et jouer au feeling. Ce drôle de revers porté à plat? Il en a fait une arme. Cette préparation en coup droit qui pouvait faire craindre des retards de plan de frappe? Voilà qu’elle a finalement rendu cette frappe illisible. Et sa musculature minimaliste? Elle a façonné un athlète souple et endurant capable malgré ses 198 centimètres de défendre intelligemment loin derrière sa ligne. Au final, Daniil Medvedev No 1 mondial, c’est un coup de pied dans la fourmilière des certitudes de formation technique. Son triomphe raconte une histoire des possibles: le tennis sourit à celui qui propose une balle dérangeante à son adversaire. Peu importe comment. Du moment qu’il y croit.
«Sa technique correspond à ce qu’il est: il joue comme il le sent, explique Gilles Simon à L’Equipe. Sa technique, il s’en fout! Ce qu’il veut, c’est mettre la balle à un endroit du terrain et à une certaine vitesse. Point final.» Et le vétéran français de souligner ce qui fait la spécificité du Russe. «Il est extrêmement intelligent. Il comprend tout. En fait, c’est un joueur d’échecs. Il comprend à l’avance ce qu’il va se passer.» Tout le contraire du monde qui le regarde et ne peut pas s’imaginer la suite puisqu’il n’avait pas vu venir l’«ovni». «Je pense qu’il peut s’installer à cette place car il a acquis la dimension qu’il mérite, a prévenu son coach Gilles Cervara dans les colonnes du quotidien français. Il doit désormais l’assumer.»