NeuchâtelLe conflit paysan se durcit après l’incendie au Cerneux-Péquignot
Deux hommes que tout oppose se considèrent chacun propriétaire d’un domaine agricole où la ferme a été détruite.
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Après l’incendie d’une ferme historique au Cerneux-Péquignot (NE), le bras de fer se durcit entre un paysan qui refuse de s’en aller et un acheteur qui veut reconstruire une exploitation pour sa compagne dont la fille est agricultrice. Alors que le sinistre demeure inexpliqué, les deux hommes se considèrent chacun comme étant propriétaire du domaine vendu 1,45 million.
Le journal «Schweizer Bauer» a choisi son camp le 29 août dernier, en ouvrant un compte de soutien à Werner Schüttel (55 ans), contraint de vendre le 20 mai 2022 un domaine où il réside depuis 32 ans. Cet agriculteur a tout perdu dans l’incendie de 15 août, son toit, ses habits, ses meubles et ses effets personnels. But de ce compte: «Il faut faire exploser cette vente». La police neuchâteloise a interrogé l’homme deux fois.
Brûlée à un bras
Pendant l’incendie, sa fidèle employée s’est brûlée à un bras en voulant sauver les bêtes, dont une portée de chats. Deux chatons ont survécu. Le vendeur accuse l’acheteur d’avoir incendié la ferme, mais l’acheteur bernois se garde bien de lui renvoyer la balle: «Une négligence peut avoir provoqué ce sinistre», insiste Hans Rudolf Arn (80 ans).
La cause du sinistre n’a pas été expliquée, mais ce mardi, la police a enlevé les banderoles empêchant l’accès aux ruines. Depuis la vente aux enchères organisée par l’Office des poursuites de La Chaux-de-Fonds, l’acquéreur Hans Rudolf Arn n’a pas pu prendre possession de son bien, quand bien même son nom figure au Registre foncier.
Hans Rudolf Arn s’approche régulièrement du lieu-dit «Le Creux», entre Le Cerneux-Péquignot et La Brévine, mais pas à moins de 300 mètres. «Alors que je coupais des rumex, Werner Schüttel a prétendu que je l’ai menacé avec mon couteau», soupire Hans Rudolf Arn, qui paie les primes d’assurances.
Il vit dans une caravane
L’incendie du 15 août dernier n’a pas changé la donne: Werner Schüttel a passé toutes ses nuits sur le domaine, d’abord dans sa voiture et désormais dans une caravane. Il a placé son bétail chez un paysan emmentalois.
Werner Schüttel a repris quatre de ses vaches et il cherche une écurie pour l’entier de son cheptel, mais l’acquéreur compte obtenir un ordre d’expulsion: «J’ai déboursé 214 500 francs en droits de préemption, retenus par l’Office des poursuites», dit-il.
Alors qu’une procédure civile relative à la liquidation du domaine agricole est en cours, une audition est prévue au tribunal le 14 septembre prochain, avec en jeu d’éventuelles mesures superprovisionnelles. En attendant, l’approvisionnement en eau et en électricité a été coupé.
«On ne peut pas prendre une douche mais pire: on n’a pas d’eau pour les bêtes», soupire Werner Schüttel en accusant son adversaire de mauvais traitement envers ses quatre vaches privées d’eau.
Reconstruite sur ses fondations
L’eau pour ses quatre vaches, Werner Schüttel va la chercher chez un collègue avec une citerne. De loin, Hans Rudolf Arn assiste au ballet des machines agricoles: «Je ne demande qu’à prendre possession de mon bien», dit-il, avec l’intention de reconstruire la ferme sur ses fondations.
De son côté, Werner Schüttel aimerait construire un bâtiment de l’autre côté de la route reliant Le Locle à La Brévine: «Les paiements directs ont été remis à mon nom et l’argent de l’assurance est pour moi», assure-t-il. L’hiver qui vient, il prévoit de le passer dans le hangar épargné par l’incendie.