Nouvelle série TV sur la RTS«Les Indociles, c’est l’histoire de nous toutes et tous»
Diffusée dès ce mercredi soir sur RTS 1 et Play Suisse, l’adaptation télévisée de la BD «Les Indociles» ravit le scénariste Camille Rebetez et le dessinateur Pitch Comment.
- par
- Vincent Donzé
«Les Indociles» débarque ce mercredi soir sur RTS 1 et Play Suisse avec le premier épisode diffusé à 20 h 15, suivi d’un débat «Infrarouge». Les épisodes 2 et 3 de cette «série dramatique suisse» sont programmés jeudi, après «Temps présent», les 4 et 5 agendés jeudi 16 novembre. Il s’agit de l’adaptation de la bande dessinée jurassienne du même nom du dessinateur Pitch Comment et du scénariste Camille Rebetez publiée en 2012.
Coproduite par la RTS et Box Productions, cette saga retrace le parcours de Lulu, Chiara et Joe, trois personnages portés par des idéaux politiques, de 1973 à 2006, et désireux déjà de changer le monde. Le point avec leurs créateurs.
Lulu et Joe, c’est vous dans la vie?
Camille: Pas du tout! Dans Lulu, Chiara et Joe, il y a un peu de moi, beaucoup de ce que j’ai observé et énormément d’imaginaire. Le tout fait un gros pudding transformé en fiction.
Pitch: Moi, je ne suis pas intervenu dans le scénario!
C.: On apparaît dans la BD comme Hitchcock apparaissait dans ses films: on nous voit en contrôleurs des Chemins de fer du Jura, en huissier de justice… Mais ce n’est pas notre histoire, c’est l’histoire de nous toutes et tous.
De ces décennies racontées, quelle est la plus belle?
C.: Celle qu’on vit en ce moment! Les époques précédentes deviennent vintage, ce qui les rend intéressantes. Musicalement, j’aime les années 90, pour les libertés et les utopies, les années 70, et au niveau du drame, les années 80, gueules de bois avec la déception de Mitterrand, le sida et toutes ces saloperies, et en prime, l’invention du disco…
P.: Pour moi aussi, la plus belle époque, c’est maintenant! Mais les années 70, graphiquement, c’était rigolo avec des cheveux longs qui masquent les oreilles, moins épaulette que dans les années 80.
C.: La série TV a parfaitement réussi ce changement d’époque, dans les décors, les coupes de cheveux, les pièces du puzzle…
Le monde d’aujourd’hui correspond-il à vos rêves?
C.: Dans une caricature, un punk des années 80 écrivait «no future» sur un mur, puis les jeunes pour le climat ont biffé le «no» pour demander un futur. À l’instar de ma fille de 18 ans, les jeunes ont un immense défi devant eux, avec la catastrophique climatique qui s’annonce. L’utopie consistera à trouver de la beauté là-dedans, comment rester solidaire et humain sans avoir peur de l’autre.
P.: Le dessinateur Mix & Remix disait avoir le pessimisme joyeux. J’essaie d’être dans ce goût-là, mais à force de suivre l’actualité quotidienne pour mes dessins de presse, il devient difficile d’être joyeux.
C.: Je suis un pessimiste actif. J’ai besoin de savoir où on va et comment ce sera. Je lis ce qu’il y a de plus effrayant sur le climat, de manière à rester lucide. On devra sans doute traverser une catastrophe que l’humanité n’aura jamais traversée, mais il faudra construire là-dedans. Ce défi donne envie, il y aura du beau: on ne va pas tous mourir en se disant que c’était trop triste…
Et sur un plan plus personnel?
P.: Quand j’étais gosse, et même quand j’avais 30 ans, je ne m’imaginais pas dessinateur de presse. Je n’ai pas à me plaindre, j’ai de la chance, je suis très content.
C.: Il est né à Courgenay, quand même…
P.: Au niveau scolaire, les hautes sphères du pouvoir m’étaient promises, puis ça s’est dégradé. En 3e année, j’étais très fort, en 5e beaucoup moins.
C.: La réalité émousse, écorne le rêve, mais écrire une série TV à partir d’une BD, c’est un accomplissement professionnel, comme l’a été de participer à la construction du Théâtre du Jura. Que demande le peuple!
Quel sera votre héritage?
C.: Une sacrée m… comme celui de la génération précédente, qui prétendait s’amuser mieux que les jeunes rendus éco-anxieux.
Quid des «Indociles»?
C.: Une saga comme celle-là n’existait pas en Suisse romande. On a là un objet assez unique… et j’ai envie de penser à la suite des «Indociles». J’ai assez de recul et de distance pour poursuivre cette histoire. En BD ou… autrement.
P.: Je suis devenu trop cher! Et j’avais plus de temps en 2012…
C.: J’ignore quelle forme aura la suite, mais ça germe.
La BD, c’est votre bébé, mais que reste-t-il de vous à la TV?
P.: De moi, plus rien! (Rires.)
C.: Pitch n’a pas participé à cette adaptation, mais je suis coauteur de la série. On a créé un autre objet avec les trois personnages, la traversée des époques, mais une immense intrigue a été ajoutée, liée à la politique des drogues en Suisse. C’est une autre interprétation, une autre œuvre, avec beaucoup d’humanité et d’émotion dans la série.
Les personnages sont-ils ressemblants?
C.: Le casting est hallucinant, avec Lulu dessiné, Chiara dessinée, Joe dessiné…
P.: Un peu moins Lulu… Au début, j’avais dessiné Camille pour Lulu, et il m’a dit «Non! Non! Faut pas qu’il me ressemble!» Je l’ai modifié en gardant la base, et ça, je le retrouve moins à l’écran.
C.: Le même acteur ne peut pas jouer un personnage à 17 ans et à 50 ans. Il a fallu deux castings pour une distribution avec deux acteurs par personnage. Les jeunes acteurs ont la grinta, ils ont l’esprit indocile, ce truc un peu festif, cet élan de liberté, surtout dans les deux premiers épisodes.
P.: La BD et la série, c’est très différent tout en étant un peu pareil… Ce sont les mêmes ingrédients, mais une autre recette. Du coup, le plat n’est pas le même.