FootballBottani-Lovric, la «coppia magica» de Lugano
Le Tessinois et le Slovène sont les deux armes principales des Bianconeri, comme ils l’ont montré contre Sion samedi. Décryptage de leur habileté à faire des différences.
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Peut-être la distance. Ou alors le manque de télégénie du Cornaredo. Ou encore l’héritage de Maurizio Jacobacci. Difficile de savoir pourquoi Lugano ne passionne pas les foules, malgré une 4e place en Super League plus que légitime. Et pourtant, dans l’équipe animée par Mattia Croci-Torti depuis la séparation précoce avec Abel Braga en début de saison, il y a l’un ou l’autre profil qui mérite le détour.
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Mattia Bottani et Sandi Lovric contribuent de manière importante au jeu tessinois.
Claudio De Capitani/freshfocusLe net succès 3-0 à Sion samedi a permis de mettre en valeur deux des plus précieux biens dont disposent les Tessinois: Mattia Bottani et Sandi Lovric. Le premier a inscrit un but à Tourbillon, le second a délivré un assist. Dans le 3-2-4-1 mis en place par leur entraîneur pour l’occasion, ils se sont illustrés, chacun à leur façon. Comme souvent ces dernières semaines. Parce qu’ils permettent aux Bianconeri de progresser dans le terrain. Lovric pour effacer le premier pressing adverse, Bottani pour arriver en zone 3. De quoi rendre ce Lugano un peu plus protagoniste que celui de Jacobacci la saison dernière. Focus sur ces deux hommes-clés.
Le fantasista Mattia Bottani
À bientôt 31 ans, Mattia Bottani n’a jamais joué ailleurs qu’à Lugano, excepté une saison à Wil en 2016-17. Cela reflète peut-être ses limites. Celles d’un beau joueur qui n’a jamais eu vraiment l’opportunité de décoller. Sans doute parce qu’il n’est pas assez décisif: il n’a jamais marqué plus de huit buts sur une seule saison (en 2015-16). Il en est à quatre, pour trois assists cette saison. C’est maigre, et ce n’est pas imputable à un manque de réussite: il crée 0,2 expected goals et 0,15 expected assists par période de 90 minutes, des totaux similaires à ses statistiques «réelles». Sauf qu’il évolue aussi dans un Lugano qui n’a jamais été fondamentalement tourné vers l’avant. D’ailleurs, son meilleur exercice comptable coïncide avec la présence de Zdenek Zeman, apôtre de l’offensive, sur le banc luganais.
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La heatmap de Mattia Bottani cette saison, qui représente les zones où il touche le plus le ballon. Les côtés et demi-espaces sont particulièrement mis en exergue.
WyscoutQuoi qu’il en soit, dans le jeu de Lugano, il rend beaucoup de choses plus fluides. Notamment l’arrivée en zone 3. Il y contribue de plusieurs manières différentes. Lorsque «Luga» est installé dans le camp adverse, il aime venir s’exprimer et solliciter le ballon en se déplaçant vers les côtés. Manière d’échapper à la densité et s’orienter vers le but. C’est donc dans ces zones (les demi-espaces, les couloirs entre l’axe et l’aile) qu’il touche le plus de ballons, comme le démontre sa heatmap.
Ces zones-là sont compliquées à gérer pour les défenses, puisque se situant entre le latéral et le central d’une défense à quatre. Même si de plus en plus d’équipes tendent à chercher à les défendre. Notamment en exerçant un marquage agressif en suivant les décrochages. C’était par exemple le cas de Sion ce week-end, à l’instar de Bamert, qui a souvent collé aux basques de Bottani.
Reste que ce dernier a une qualité rare en Super League: il résiste très bien à la pression adverse. Il est ainsi capable de s’exprimer dans les petits espaces, en gardant le ballon et en éliminant plusieurs un, voire plusieurs vis-à-vis. Son crochet court est ainsi particulièrement vif et performant. Utile pour finir les actions (comme sur son but samedi), mais aussi pour faire avancer le jeu en focalisant l’attention de plusieurs défenseurs.
Mattia Bottani appartient donc aux meilleurs dribbleurs de Super League (seuls Moumi Ngamaleu et Millar s’y sont plus essayés que lui cette saison). Mais il a aussi un sens du jeu affiné, qui lui permet aussi d’être efficace lorsque les espaces s’élargissent. En transition offensive, Lugano peut s’appuyer sur lui. Parce qu’il reste fort lorsqu’il s’agit de «voir loin». Autrement dit, son interprétation du jeu s’adapte aux espaces qui s’offrent à lui. Et Lugano peut s’appuyer sur lui dans plusieurs phases de jeu. De quoi faire des différences. Pour faire la décision, en revanche, Lugano doit s’appuyer sur d’autres éléments.
Le regista Sandi Lovric
Si Bottani est promis à être l’homme d’un club, Sandi Lovric a d’autres aspirations. À presque 24 ans, l’international slovène partira à la fin de la saison. La Serie A lui fait les yeux doux depuis son arrivée au Cornaredo l’an dernier, et c’est l’Udinese qui semble être tout proche de le débaucher, selon les rumeurs. Compréhensible, lorsqu’on suit ses performances (2 buts, 5 assists cette saison). D’autant plus ces dernières semaines, depuis que Croci-Torti en a fait un meneur de jeu reculé.
Plus haut, presque en 10, sous Jacobacci, il déroule désormais son jeu depuis plus bas. Sachant qu’il est le Luganais à toucher le plus le ballon, la réflexion est légitime. D’autant plus au vu de sa qualité de passes. Dans ce domaine, il fait partie des meilleurs joueurs de Super League. Il réussit ainsi près de 75% de ses passes longues. Seul l’intermittent bâlois Matias Palacios fait légèrement mieux en Suisse. Capable d’organiser le jeu dans un registre court comme long, son repositionnement fait particulièrement sens.
L’ancien milieu de Sturm Graz, en Autriche, présente aussi une qualité semblable à celles de Bottani: il permet à Lugano de s’installer dans une zone du terrain plus avancée. En le touchant bas, on se permet soit de progresser, soit de lancer une attaque rapide, ou une contre-attaque selon le type de séquence. Notamment parce qu’il est à même de trouver des passes «qui tuent», vers la profondeur, à l’instar de celle qui a envoyé Zan Celar sur le troisième contre Sion. Mais aussi parce qu’il a un certain volume de jeu. Ainsi, il ne se contente pas de rester en position devant la défense, mais aussi de conduire le ballon sur plusieurs dizaines de mètres. De quoi justifier son utilisation plus haut dans le terrain également.
Reste que dans ce Lugano-là, composé de joueurs de labeur en grande partie, difficile de se passer d’un tel talent lorsqu’il s’agit de faire avancer le ballon. Croci-Torti a peut-être trouvé un moyen de rendre Lugano enthousiasmant.