Commentaire: Asile: l’énorme défi d’Élisabeth Baume-Schneider

Publié

CommentaireAsile: l’énorme défi d’Élisabeth Baume-Schneider

La nouvelle cheffe socialiste hérite d’un dossier explosif sur le plan humain, sécuritaire et politique.

Eric Felley
par
Eric Felley
Élisabeth Baume-Schneider après son élection, le 7 décembre dernier.

Élisabeth Baume-Schneider après son élection, le 7 décembre dernier.

Tamedia AG/Jürg Spori

Au 1er janvier, le Département de justice et police aura changé de cheffe. Élisabeth Baume-Schneider aura succédé à Karin Keller-Sutter. Ce sont deux personnalités très différentes. La socialiste jurassienne fait preuve d’une grande empathie vis-à-vis des plus faibles de la société. L’élue du PLR n’est pas sans cœur, comme elle l’a démontré dans la défense des réfugiés ukrainiens, mais au-delà, sa vision de l’asile a été plutôt restrictive et alignée sur les procédures dissuasives de la Suisse.

À une année des élections fédérales, le thème de l’asile risque fort de revenir dans la campagne. L’année 2022 est marquée par une recrudescence des demandes d’asile. Selon le Secrétariat d’État aux migrations, avec plus de 22 000 demandes d’asiles cumulées au mois d’octobre, la Suisse approche des chiffres comparables à ceux des années 2015 et 2016, qui avaient fait monter la pression autour de cette question. Ces chiffres ne comptent pas les quelque 65 000 réfugiés de la guerre en Ukraine, bénéficiant du statut S.

On sent monter une certaine nervosité

Lors des élections fédérales de 2015, la «crise migratoire» avait profité à l’UDC, qui avait étoffé sa représentation à Berne. En 2019, le thème était passé au second plan derrière le climat et l’UDC avait reculé. Aujourd’hui on sent monter une certaine nervosité. Le suicide d’un jeune Afghan à Genève à fin novembre a tout de suite mobilisé les milieux de l’asile, reprochant aux autorités fédérales leur dureté. Dans un autre contexte, des parlementaires dénoncent les renvois Dublin vers la Croatie, où les requérants y subiraient des mauvais traitements.

Dans ces deux cas, les réponses de Karin Keller au Parlement ont été strictement administratives. D’une part, le risque de suicide n’est pas forcément pris en compte dans une décision de renvoi. D’autre part, pour la Croatie, les autorités fédérales «partent du principe que le système d’asile croate ne présente pas de faiblesses systémiques», selon ses termes. Quel redoutable euphémisme quand on évoque le sort de personnes brutalisées.

Droits humains et rigueur des procédures

Élisabeth Baume-Schneider devra rapidement se positionner sur ce type de dossier. Elle devra faire la balance entre les droits humains et la rigueur des procédures. Faut-il renoncer à expulser un requérant manifestement suicidaire? Faut-il renoncer à renvoyer les requérants en Croatie, où ils sont violentés? Ce ne sera pas un exercice facile, car si elle choisit la première optique, elle sera vite dans le collimateur de l’UDC. Si elle choisit la seconde, elle décevra les attentes dans son camp, où la cause des migrants fait partie de l’ADN du parti.

La Jurassienne reprend ce dossier dans une période qui s’annonce très tendue. La guerre en Ukraine n’est de loin pas terminée et la scène internationale est fébrile à bien des endroits (à commencer par les tensions entre le Kosovo et la Serbie). On sait bien que les vagues d’asile qui touchent la Suisse de manière cyclique depuis la guerre des Balkans dans les années 90 sont étroitement liées aux conflits qui éclatent dans le monde. Au mois d’octobre, les réfugiés sont arrivés principalement d’Afghanistan, de Turquie, du Burundi et d’Algérie.

Ton opinion

51 commentaires