RugbyÀ Marseille, une ambiance énorme et puis limite un drame
La Coupe du monde de rugby a commencé vendredi à Paris et a envahi le reste de la France ce week-end. Pour le meilleur, souvent, et un tout petit poil pour le pire. Le pire pour les fans du XV de la Rose, malgré la victoire.
- par
- Robin Carrel Marseille
Nos voisins d'outre-Jura jouent gros ces sept prochaines semaines. Parce qu’après le fiasco général de la finale de la Ligue des champions 2022 de football au Stade de France, à une année des Jeux olympiques de Paris, la capacité de l’Hexagone à organiser des événements de portée planétaire a été mise en doute. À raison. Mais avec la Coupe du monde de rugby qui s’y déroule ces jours, pas sûr que ce soit le bon révélateur…
Parce que si le jeu avec un ballon ovale a une si bonne réputation à travers le monde, c’est qu’il y a forcément un fond de vérité. Oui, ça peut saouler le fan de foot de toujours entendre que «le rugby est un jeu de voyou joué par des gentlemen» et que le ballon rond, c’est l’exact contraire. Même moi, grand fan du jeu à XV et immense suiveur de celui avec onze types sur le pré, cette phrase toute faite a presque fini par me gaver.
Pourtant, une seule soirée à Marseille, à l’occasion de la rencontre entre l’Argentine et l’Angleterre en phase de poules de la Coupe du monde de rugby, a fini de me convaincre que c’est vraiment, mais vraiment, deux salles et deux ambiances. Surtout dans la cité phocéenne, pas réputée pour sa culture de l’ovalie et où, en Ligue 1 de football, les supporters adverses sont rarement ne serait-ce que tolérés par le préfet local.
Je me fais gentiment vieux, je sais. Mais samedi soir, sur le Boulevard Michelet, je n’ai jamais eu peur. Je n’ai jamais tremblé de me prendre un feu d’artifice devant le stade, je n’ai jamais imaginé me retrouver au milieu d’un mouvement de foule et je n’ai à aucun moment dû faire attention à ce que je faisais. Pourtant, j’étais entouré de fans avinés de l’Argentine, de l’Angleterre, de pas mal de Français d’un peu partout, mais j’ai aussi vu des maillots écossais, sud-africains, gallois, chiliens et j’en passe.
Le pire, c’est que c’était organisé «à la française». Les forces de l’ordre locales, histoire de ne pas revivre les tristes moments de la finale entre Liverpool et le Real Madrid à Saint-Denis, ont une tactique claire. Comme une équipe qui pense prendre 60 points au rugby ou un 10-0 au football. Elle met tout le monde en défense et ça se traduit avec des dizaines de cars de CRS tout autour du Stade Vélodrome et des flics de partout, mais ce sont finalement des types dedans qui restent entre eux à boire des Red Bull. Parce que c’est mal connaître les fans de rugby… Et ça fait un peu peur, quand on y réfléchit, quant à la capacité des politiques locaux de comprendre ce qu’il se passe chez eux.
Parce que oui, il y avait des policiers tous les deux mètres, mais ils n’ont servi absolument à rien. L’ambiance était énorme, même entre deux nations qui étaient encore en guerre en avril 1982. J’ai vu des gens très bourrés faire des mêlées et simuler des touches avant le match, juste devant le stade, et se prendre dans les bras dans la foulée. J’ai vu un stade où il n’y avait pas de tribunes réservées pour tel ou tel pays, mais des supporters mélangés et qui ont adoré ça.
Par contre, l’organisation a encore pas mal de boulot devant elle en vue des JO ou pour aller donner des leçons à l’international – foi de celui qui a vu des matches dans pas mal de contrées. Au contraire du foot, les suiveurs de l’ovalie communient avant la rencontre, en boivent huit ou quatorze ensemble et ne viennent pas au stade avec des torches cachées dans des endroits qui feraient rougir même ceux qui lancent des chants jugés de nos jours «homophobes». Du coup, comme il faut absolument «filtrer le flux de spectateurs» selon les directives de Monsieur le Préfet ou de je ne sais quel génie à la Place Beauvau (le Ministère de l’Intérieur local), on a tous mis plus d’une heure et demie à entrer dans le stade.
Alors quand tu as pris tes dispositions, ça va. Mais quand tu n’es pas habitué à une telle «répression», c’est long. Ça a même fait trembler Vincent Duluc, star du journal L’Équipe et sans doute trop habitué à aller voir un ballon plus rond qu’ovale, qui a tweeté (doit-on dire dorénavant Xé?) sur le sujet, alors qu’avec ces gens-là, tout se passe toujours bien. Le problème, c’est que l’une des meilleures plumes sportives de l’Hexagone ne savait pas à qui il avait à faire: des supporters de rugby. Il écrit sur l’Angleterre et il devrait aller y voir autre chose que du foot, des fois. Ça ferait du bien à tout le monde.
Il y a tout de même eu un gros, très gros problème au Vélodrome samedi soir. Et le seul moment de tension entre tout ce petit monde a commencé à quelques minutes de la mi-temps, alors que la partie entre Argentins et Anglais était à sens unique en faveur de ces derniers, pourtant rapidement réduit à 14. Parce que les buvettes ont vite été en manque de bière et ça, oh ça, les Anglais, ils n’ont pas du tout aimé.
Moi non plus, mais bon, j’ai l’habitude. Je vais souvent dans les stades en Suisse…