Les Etats disent «niet» à la réexportation d’armes en Ukraine

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NeutralitéLes États disent «niet» à la réexportation d’armes en Ukraine

Première chambre à se prononcer sur cette question, les sénateurs ont refusé de peu de suivre la proposition du président du PLR Thierry Burkart.

Eric Felley
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Thierry Burkart, président du PLR, a défendu en vain sa motion pour assouplir les règles de la réexportation du matériel militaire.

Thierry Burkart, président du PLR, a défendu en vain sa motion pour assouplir les règles de la réexportation du matériel militaire.

DR/Parlement

L’objet était très attendu au Conseil des États. Le président du PLR Thierry Burkart a fait un long plaidoyer lundi pour sa motion visant à permettre la réexportation d’armes dans certains pays qui nous sont proches en termes de valeur. Il a rappelé que le Parlement a condamné unanimement cette guerre et que la solidarité de la Suisse avec les pays occidentaux devait être aussi «une solidarité militaire». Après un débat fleuve, il a échoué par 23 voix contre18 et 2 abstentions.

«Nous provoquons une grosse irritation chez nos partenaires occidentaux, a regretté Thierry Burkart. Ils comprennent qu’on ne vende pas directement des armes à l’Ukraine, mais ils ne comprennent pas qu’on bloque la réexportation d’armes qu’ils ont achetées». La motion de Thierry Burkart demandait que le Conseil fédéral prépare un projet de loi qui permette à ces pays de faire ce que bon leur semble du matériel de guerre qu’ils ont acheté à la Suisse. Selon certains critères, il a établi une liste de 25 pays. On y trouve notamment l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne qui ont fait des demandes de réexportation. Mais aussi les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie ou encore la Pologne.

Sa motion visait également à soutenir l’industrie de l’armement: «On peut se demander pourquoi ils devraient encore acheter du matériel militaire suisse s’ils ne peuvent pas se le céder entre eux».

Nuisible pour la crédibilité de la Suisse

Thomas Minder (Ind./SH), Mathias Zopfi (Verts/GL) ou Daniel Jositsch (PS/ZH) s’y sont opposés, estimant que cette façon de faire était contraire à la neutralité: «Je suis convaincu qu’une majorité de Suisses tiennent à notre neutralité» a insisté le juriste socialiste zurichois. Selon lui, changer les règles du jeu actuellement équivaut à «louvoyer» avec cette neutralité «et nuire à la crédibilité de la Suisse».

«Notre position n’est plus comprise»

Charles Juillard (C/JU) était lui favorable à cette «solidarité militaire»: «Pendant que nous dissertons sur la pratique de la neutralité, il y a des enfants, des femmes et des hommes qui sont victimes d’un tyran sanguinaire sans foi ni loi». Et d’ajouter: «Notre position n’est plus comprise chez nos voisins et amis».

«Nous ne devons pas céder à la pression internationale et conserver notre neutralité», a rétorqué le président de l’UDC Marco Chiesa (TI/UDC). De nombreux conseillers et conseillères se sont longuement étendus sur le concept de la neutralité de la Suisse. Carlo Sommaruga (PS/GE) a défendu la «neutralité militaire» de la Suisse et a combattu la motion contraire à ce que le Parlement a établi pour réguler l’exportation de matériel militaire. Selon lui, certains «instrumentalisent» la crise en Ukraine pour faire de la politique économique.

Conseil fédéral opposé

Le Conseil fédéral est opposé également à cette motion, comme est venu le rappeler Guy Parmelin au nom de la neutralité: «La motion prend des risques que la Suisse ne pourrait pas assumer. Si ces pays ont un régime de contrôle à l’exportation et des valeurs similaires à celles de la Suisse, ils font affaire avec des États ne figurant pas dans cette annexe et appliquent dans ce contexte des critères différents de ceux de la Suisse. C’est pourquoi il ne serait pas possible d’exclure que du matériel de guerre suisse aboutisse auprès d’un destinataire final non souhaité».

Le Conseil fédéral estime aussi qu’une modification de la loi ne s’appliquerait qu’aux nouveaux achats et qu’elle ne pourrait avoir d’effet rétroactif pour permettre la livraison d’armes déjà vendues à l’Ukraine: «Ainsi, la demande de l’Allemagne concernant le transfert de munitions pour les chars Guépard à l’Ukraine ne pourrait de toute manière pas être acceptée». Enfin, pour Guy Parmelin, «Le droit à la neutralité exige que les parties en conflit soient traitées sur un pied d’égalité».

Mercredi, le Conseil national traitera une autre motion de la Commission de politique de sécurité qui vise à assouplir l’interdiction de réexportation des armes. Dans le pipeline des Chambres fédérales figure également une initiative parlementaire, qui veut rendre caduques les déclarations de non-réexportation «s’il est établi que la réexportation du matériel de guerre vers l’Ukraine est liée à la guerre russo-ukrainienne».

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