Critique«Top Gun: Maverick» coche toutes les cases
Suite d’un blockbuster sévèrement burné, ce «Top Gun», 36 ans après, se pare au moins d’un soupçon d’élégance.
- par
- Jean-Charles Canet
Lorsque nous avons découvert «Top Gun» au cinéma, c’était en 1986, nous étions jeunes, nous étions fous mais on ne rêvait pas de piloter une grosse moto en portant blouson de cuir et lunettes de soleil. On n’ambitionnait pas d’intégrer une école d’aviation. On détestait les tubes clippés avec des pales de ventilateurs rétroéclairés dans des entrepôts et des vases qui se cassent au ralenti pendant que Kim Carnes enroue «Bette Davis Eyes». Et surtout, on avait du mal à gober sans ricaner les scènes de douche en mode «qui a la plus grosse», le sourire Pepsodent de Tom Cruise, les chevelures laquées de ses conquêtes et les problèmes psychologiques père/fils non réglés assénés avec la finesse d’une charge d’éléphants pendant la mousson.
Le choc avec «Top Gun» fut donc rude. C’était la synthèse parfaite de tout ce qui nous horripilait dans la pop culture de l’époque alors que, pour rester dans le secteur, «Les aventuriers de l’arche perdue» (1981) de Spielberg se parait de toutes les séductions.
35 ans et toutes ses dents
Trente-cinq ans et quelques brouettes plus tard, voici donc que déboule dans les salles, à Cannes d’abord, puis le 25 mai partout, «Top Gun: Maverick» suite directe porté de haut en bas par l’infatigable, bien que plus marqué par les ans, Tom Cruise. Et bien, croyez le ou non, nous sommes ressortis de la vision en glorieux format Imax sans tirer une gueule de trois kilomètres de long.
On retrouve Pete – «Maverick» – Mitchell devenu pilote d’essai tentant de pousser un avion furtif à Mach 10 (et au-delà), se mettant – comme le veut l’ADN du personnage – à dos sa hiérarchie. Le voilà transféré en tant qu’instructeur à la prestigieuse école de la crème de la crème des pilotes US. Là, il retrouve une nouvelle génération de têtes brûlées, une ancienne flamme sortie de nulle part incarnée par la gracieuse Jennifer Connelly, un supérieur qui n’apprécie pas la posture rebelle de «Maverick» et surtout le fils rancunier de son grand copain «Goose», décédé dans le premier «Top Gun» après s’être fracassé contre le cockpit pendant une éjection. Il y a enfin un État voyou (non précisé) qui a l’audace d’avoir construit une usine de traitement d’uranium difficile d’accès. Il s’agira de l’anéantir, parce que le traitement d’uranium quand on n’a pas le droit, c’est mal.
Boulonné, vissé, calibré
C’est à ce stade que l’on peut affirmer que «Top Gun: Maverick» coche toutes les cases. C’est du boulonné, vissé, calibré et habilement programmé pour séduire un public cible réparti sur plusieurs générations. Du travail de pro. Si aucun des ressorts dramatiques n’a véritablement fonctionné sur nous, on reconnaît au spectacle au moins une certaine élégance, une certaine beauté plastique sans doute en grande partie due au réalisateur Joseph Kosinski dont le bon goût esthétique a pu déjà être repéré dans «Tron Legacy» ou «Oblivion». De plus, la machine à maintenir Tom Cruise empereur du film d’action à l’ancienne (c’est-à-dire sans bouillie numérique apparente) tourne à plein régime. Il y a veillé une fois de plus. Et ça, on respecte.