FootballCommentaire: l’Yverdon Sport que j’ai aimé n’existe plus
En s’affranchissant d’un passé qu’ils n’ont pas connu, les nouveaux boss du Stade municipal entendent imposer leur modèle. Avec l’objectif de faire d’YS un club hors-sol, sans ancrage régional. Soit tout ce que l’on déteste.
- par
- Nicolas Jacquier
Tôt ou tard mais forcément, on savait que cela allait arriver… Depuis le premier jour de l’ère instaurée par l’arrivée des Américains au Stade municipal, il tombait sous le sens que Marco Schällibaum finirait par devoir dégager comme tant d’autres avant lui avaient déjà dû plier bagage. Ce jour-là est arrivé ce lundi comme il aurait pu se produire avant cela, voire après – un peu n’importe quand en fait.
Ce qui comptait dans l’esprit des décideurs, c’était se débarrasser de l’homme qui incarnait l’image du club, peut-être même son identité. Dans la mesure où l’Yverdon Sport construit par Schällibaum ne correspondait nullement à la vision des nouveaux maîtres des lieux. Mais si le coach ne convenait pas à ceux-ci, pourquoi ne pas l’avoir immédiatement débarqué, hein?
Gardien du temple
MM. Jamie Welch (propriétaire) et Jeffrey Saunders (président) ont donc osé s’attaquer à celui qui avait offert tant de bonheur partagé à ce coin du canton de Vaud, sinon bien au-delà, depuis quinze mois. On notera au passage que le communiqué confirmant le changement de banc volant comprenait une version… anglaise! Sans doute s’agissait-il là de rappeler la dimension internationale prise désormais par le plus grand des petits clubs vaudois…
S’il en ressort grandi, Marco Schällibaum ne méritait pas de subir pareil traitement. L’homme n’est probablement pas le meilleur entraîneur du monde – ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on lui demande – ni le plus calme (quand bien même son bouillonnement pas seulement intérieur fait aussi le charme du bonhomme). Parce que «Schälli» était bien plus que cela, ayant habilement su se faufiler entre les nouvelles et fort déraisonnables exigences que son employeur cherchait à lui imposer. Il était à la fois une tronche, un formidable motivateur, un rempart et le gardien du temple.
Avec son renvoi disparaît l’un des derniers mohicans d’une époque aujourd’hui révolue. Tant la manœuvre des repreneurs consistait depuis plusieurs mois à s’affranchir de tout ce qui était antérieur à leur arrivée. L’objectif étant de faire le ménage, ils s’y sont employés avec une rare efficacité. Vu sous cet angle-là, l’Yverdon Sport que j’ai naguère aimé n’existe plus. On pourrait arguer que Kevin Martin, Anthony Sauthier ou William Le Pogam sont encore là mais pour combien de temps encore?
Un maillon parmi d’autres
Dans le Nord vaudois, les nouveaux patrons ne font pas mystère de leurs très hautes ambitions: effectuer du trading de joueurs (soit acheter bon marché dans l’espoir de revendre plus cher, avec une substantielle plus-value à la clé) dans une future et vaste nébuleuse au sein de laquelle Yverdon ne serait bientôt plus qu’un maillon parmi d’autres. En résumé, faire d’YS un club hors-sol, sans ancrage régional, déraciné de ce qui en faisait tout le charme et le particularisme. Ce faisant, la révélation de ce début de saison court le risque de se couper de sa base constituée, comme chacun le sait, par les supporters.
Le phénomène n’est bien sûr pas propre à Yverdon, épousant une tendance qui se retrouve dans d’autres clubs helvétiques, déjà passés en mains étrangères pour devenir de simples filiales. On a beau nous répéter tout le bienfait de ces modèles d’affaire, on doute que le football suisse puisse vraiment y gagner quelque chose.
Place donc à Alessandro Mangiarratti et à sa fameuse «méthodologie» pour démarrer une ère nouvelle. On n’a strictement rien contre le Monsieur – qu’il réussisse en faisant mieux que son prédécesseur ou échoue nous importe finalement assez peu. Ce que l’on condamne, c’est la méthode utilisée. Une méthode que les esprits novateurs et résolument modernes valideront peut-être. Mais pas nous…
Constantin est devenu une exception
Après tout, sans doute n’est-on qu’un vieux rouspéteur nostalgique d’un temps où les clubs étaient portés par des mécènes. On se souvient de l’époque du grand FC Zurich du légendaire Edi Nägeli; on a connu l’époque flamboyante du Xamax du regretté Gilbert Facchinetti; on a vécu celle des années Paul-Annick Weiller à la tête du Servette FC, etc. Au moment où il envisage à son tour de passer la main après avoir soutenu «son» FC Sion pendant un quart de siècle, Christian Constantin s’impose comme le dernier mécène local.
Le football que j’aime, c’est celui des gens d’ici, marqués au sceau de la passion. Pas celui des multinationales du ballon, n’ayant que faire des clubs dont ses dirigeants s’entichent artificiellement par pur opportunisme.