FootballJoël Kiassumbua touche la Coupe du monde du bout des doigts
Sans club depuis son départ de Servette en juin, le gardien de 29 ans enchaîne les bonnes performances avec la RD Congo, sélection dont il est le titulaire indiscutable depuis deux ans.
- par
- Ruben Steiger
Mi-novembre, l’équipe de Suisse se qualifiait brillamment pour la Coupe du monde 2022 avec plusieurs membres de la génération 1992, championne du monde U17 au Nigeria en 2009, dans son cadre. Dans le même temps, à plusieurs milliers de kilomètres, un autre membre de cette génération, le gardien Joël Kiassumbua, terminait premier de son groupe et se qualifiait pour les barrages avec son équipe nationale, la RD Congo.
À l’instar d’autres joueurs binationaux de l’équipe championne du monde, le dernier rempart a fait le choix de jouer pour son autre pays afin de pouvoir vivre une carrière internationale. C’est également le cas de Frédéric Veseli (international albanais) et Charyl Chappuis (international thaïlandais). Pour Kiassumbua, ce choix s’est effectué après avoir été contacté par le sélectionneur de l’époque à la sortie de la CAN 2015. Pour autant, il n’est devenu titulaire des Léopards qu’à la fin de l’année 2019. «Il m’a fallu de la patience car ce n’était pas facile de ne pas jouer pendant trois ans et finalement tout a commencé lorsqu’un nouvel entraîneur et un nouveau coach des gardiens sont arrivés.»
Depuis le remplacement de Florent Ibengé par Christian N’Sengi Biembe fin 2019, Joël Kiassumbua n’a plus quitté le poste de titulaire de sa sélection. Son statut n’a pas été modifié lors de la nomination de l’Argentin Héctor Cúper au poste d’entraîneur en mai 2021 et ce bien que le numéro 2, Lionel Mpasi-Nzau, joue régulièrement en Ligue 2. L’ancien Servettien nous déclare à ce sujet: «Nous avons une concurrence très saine car tout le monde est conscient dans l’équipe que je suis le numéro 1. J’ai la totale confiance du staff, des joueurs et des deux autres gardiens.»
Presque 50 ans d’attente
C’est avec un Joël Kiassumbua en confiance et titulaire dans les buts que la RD Congo est allée chercher sa place pour les barrages au terme d’une phase de groupe extrêmement serrée. À l’aube du dernier match à domicile contre le Bénin, la RD Congo avait deux points de retard sur son adversaire et la victoire était obligatoire pour continuer l’aventure. Avec un Kiassumbua impérial, les Léopards se sont imposés 2-0 et ont terminé premier de la poule. «C’était une phase de groupe compliquée, on était l’équipe la plus renommée et cela nous a apporté une grande pression par rapport à notre public et au peuple Congolais.»
En effet, la pression du public est grande dans ce pays fan de foot qui attend une deuxième qualification pour la Coupe du monde après l’édition 1974 en Allemagne de l’Ouest. À cette époque, la qualification du Zaïre représentait la 1re participation d’un pays de l’Afrique subsaharienne à une Coupe du monde. «Depuis 1974, le peuple Congolais n’attend que de se requalifier pour la Coupe du monde. En 2018, Il nous a manqué un point pour aller en Russie. La déception a été immense.» Lors des dernières éliminatoires (ndlr: avec un format différent), la RD Congo a fini deuxième derrière la Tunisie pour un point. Les regrets sont grands car lors du match entre les deux nations à Kinshasa, les locaux menaient 2-0 à 13 minutes de la fin et ont finalement fait 2-2.
L’apport de Cúper
Afin d’atteindre enfin cet objectif tant attendu par tout un peuple, la Fédération a engagé courant 2021 l’entraîneur argentin Héctor Cúper. L’expérimenté technicien a déjà réussi pareille mission, il avait mené l’Égypte de Mohamed Salah à l’édition russe. Le sélectionneur apporte bien plus que de l’expérience et une culture différente selon Joël Kiassumbua: «Pour nous c’était important d’avoir un coach qui apporte un système, une idée et celle-ci commence petit à petit à porter ses fruits et on commence à voir que l’équipe porte la pâte d’Héctor Cúper. On se sent mieux de match en match.»
Les Léopards devront encore monter en puissance et assimiler parfaitement le système du nouvel entraîneur afin de décrocher un ticket pour l’événement qatari. En effet, tous les gros noms du football africain, hormis la Côte d’Ivoire, seront de la partie lors des barrages. Ceux-ci auront lieu à la fin du mois de mars 2022.
Comment se qualifier à la Coupe du monde dans la zone Afrique?
Sur le continent africain, les éliminatoires pour la Coupe du monde sont un véritable parcours du combattant. Il y a cinq places qualificatives pour 54 équipes au départ.
Il y a une première phase durant laquelle les 28 moins bonnes nations africaines au classement FIFA s’affrontent en matches à élimination directe aller-retour. À l’issue de ces confrontations les 14 vainqueurs rejoignent les 26 équipes directement qualifiées pour la deuxième phase.
Celle-ci se déroule dans un format de poules avec match aller-retour. Les 40 équipes sont réparties dans 10 groupes de quatre équipes. Les 10 vainqueurs de groupe se qualifient pour les barrages.
En fonction du classement FIFA, les cinq meilleures nations sont désignées tête de séries. Les barrages s’effectuent en match aller-retour et les cinq vainqueurs sont qualifiés pour la Coupe du monde.
Les 10 pays qui se disputeront les cinq tickets pour le Qatar sont les suivants: Algérie, Cameroun, Égypte, Ghana, Mali, Maroc, Nigeria, RD Congo, Sénégal et Tunisie. Le tirage au sort aura lieu le 26 janvier 2022.
À la recherche d’un nouveau défi
D’ici cette échéance décisive, le dernier rempart espère retrouver un club, lui qui est sans contrat depuis son départ de Servette en juin 2021, afin de retrouver la compétition de façon régulière. Pour l’instant, il garde le rythme et la forme de son côté: «J’ai un préparateur physique et un entraîneur des gardiens. Je m’entraîne quatre fois par semaine sur le terrain et entre trois et cinq fois à la salle de sport. Finalement je m’entraîne comme un joueur de club mais sans les matches le week-end. » Sur le manque de compétition, le gardien ne voit cependant pas une grande différence avec sa situation passée: «En trois ans à Servette j’ai très peu joué donc je ne vois pas de grandes différences avec ma situation actuelle. » De plus, l’accumulation des matches internationaux lors de ce début de saison lui a permis d’avoir un temps de jeu régulier.
D’ailleurs, les excellentes performances internationales de Joël Kiassumbua devraient lui assurer de recevoir des offres à la hauteur de ces attentes ce qui n’a pas toujours été le cas ces derniers mois: «J’ai eu des propositions depuis juin, mais aucune ne m’a réellement satisfait donc j’ai préféré rester sans club et attendre d’avoir une offre qui me permettra de faire un pas supplémentaire dans ma carrière. » Mais alors quel type de place cherche-t-il? L’international congolais nous répond «Je suis pro en Suisse depuis que j’ai 17 ans et je n’ai jamais quitté la Suisse, donc l’étranger pourrait être une belle alternative, mais je ne ferme pas non plus les portes à la Super League. Quoi qu’il en soit, je suis tranquille je connais le milieu du foot et je suis convaincu que des opportunités vont arriver. »
Le rêve d’une vie
Bien que la recherche d’un futur club soit un thème important de la carrière du portier international, son principal objectif reste la Coupe du monde 2022. C’est même bien plus que ça selon lui: «C’est le rêve d’une vie, il n’y a rien de plus grand que la Coupe du monde dans le football international». Pour le numéro 23 des Léopards, l’émotion pour le peuple congolais d’une participation à la Coupe du monde serait un accomplissement encore plus fort que le titre de champion du monde M17 acquis en 2009.
En cas de qualification, les anciens coéquipiers de la génération 1992 que sont Granit Xhaka, Haris Seferovic, Ricardo Rodriguez et Joël Kiassumbua pourraient être adversaires lors de la Coupe du monde. Comment réagirait le gardien s’ils devaient rencontrer ses amis avec qui il a encore de contacts ponctuels via les réseaux sociaux? «Jouer la Suisse? J’ai beaucoup d’amis qui jouent pour la Nati, moi-même je suis Suisse, je suis né et j’ai grandi ici donc ça serait vraiment cool» déclare-t-il avec le sourire. Si la RD Congo se qualifie, le tirage au sort des groupes de la Coupe du monde du 1er avril réservera peut-être des belles retrouvailles.