FootballAnalyse: Le deuxième ballon qui a permis à Servette de battre YB
La lutte et la gestion de cet aspect du jeu a conditionné le choc au sommet de Super League dimanche. Et la victoire 1-0 de Servette.
- par
- Valentin Schnorhk
Tout a peut-être basculé sur la pelouse synthétique du Wankdorf dimanche après-midi. Comme si le destin d’une saison avait une autre tournure, parce que Servette l’a emporté 0-1 contre Young Boys et que les Genevois sont revenus à 4 points des Bernois. C’est beaucoup, mais compte tenu des niveaux affichés de part et d’autre, à 13 journées du terme de la saison, l’écart est finalement assez mince.
Passation des pouvoirs? On n’en est encore pas là. Mais à Berne dimanche, Servette est resté fidèle à lui-même et à ses principes. Comme un candidat au titre qui joue face à son concurrent. Et puisque les idées des Grenat sont finalement assez proches de celles portées par YB depuis de nombreuses saisons, il y avait l’impression d’un réel duel. Mais pourquoi et comment a-t-il basculé du côté genevois? Par la gestion des deuxièmes ballons et des transitions, sans doute.
Des conditions réunies
Dans ce choc au sommet, la lutte pour les deuxièmes ballons s’est imposée de fait comme un facteur logique de la configuration de match. Pour deux raisons, qui ont surtout trait à des intentions partagées par les deux équipes concernées.
La première étant la volonté de presser. Young Boys s’y plie toujours et, revenu dans un 4-4-2 losange pour ce match (alors que Raphaël Wicky adoptait un 4-3-3 depuis un mois), il avait l’organisation pour s’y dédier efficacement. Côté servettien, c’est aussi un trait spécifique que René Weiler a développé depuis son arrivée l’été dernier. Il est moins constant que pour YB, mais il tend à conditionner les débuts de match grenat. C’est dans un deuxième temps que Servette recule plus, du moins lorsqu’il a pu faire la différence rapidement. Cela peut notamment s’expliquer par l’enchaînement des matches et l’effectif servettien qui n’est pas aussi large que celui des Bernois.
Le deuxième aspect commun est corollaire au premier: Servette et YB sont deux équipes qui recourent assez facilement au jeu long. Dimanche, le portier servettien Joël Mall a tenté 22 passes longues, alors que son vis-à-vis David von Ballmoos s’y est essayé 15 fois. Servette, lorsqu’il est pressé, ne tergiverse pas beaucoup. YB, de son côté, essaye parfois de ressortir court, mais il a subi la pression servettienne sur presque chacune de ses tentatives. Alors, de manière assez naturelle, compte tenu des pressings adverses, les deux meilleures équipes du pays ont cherché à jouer dans le camp opposé.
L’enjeu initial: gagner le deuxième ballon
De par les deux conditions précitées, ce Young Boys – Servette s’est joué sur de très grandes zones. En allongeant le jeu, les blocs se sont étirés, surtout parce que les passes longues se sont succédées. Et ce jeu long et vertical a souvent suggéré des duels aériens. Mais en gagner un n’est pas une fin en soi. Pour le valoriser, il faut que l’équipe en question contrôle le deuxième, voire le troisième ballon et puisse donc déployer une attaque.
Là, l’organisation prend de l’importance. Il faut un certain maillage du terrain: avoir un certain nombre de joueurs à proximité de la zone de tombée du ballon; anticiper le duel; réagir rapidement; être à même de sortir rapidement et efficacement de la zone de pression. Autrement dit, partir de l’idée que le premier ballon n’est pas une fin en soi, mais que le deuxième est bien plus important.
En la matière, Servette a souvent été plus juste qu’YB dimanche. Notamment pour des questions d’organisation avec ballon dans le camp adverse: les Grenat sont souvent denses et proches les uns des autres. Ce qui facilite la maîtrise du jeu. Un indice statistique permet de le montrer: au Wankdorf, les Genevois ont récupéré la balle dans 33,3% des situations de contre-pressing qu’ils ont eu à jouer. C’est dans leurs standards cette saison, similaires à YB. Sauf que le score des Bernois a plafonné à 25,4% sur cette rencontre.
Pourquoi? Notamment parce que Servette a défendu de manière plus basse et plus compacte en fin de match. Aussi parce que Young Boys a semblé souvent beaucoup trop ouvert lorsqu’il avait le ballon et qu’il allongeait. Difficile dans ces conditions d’être le premier à réagir.
Ce qui fait la différence: exploiter le deuxième ballon
C’est sur cet aspect que Servette a fait des différences. Dans sa capacité à maîtriser le deuxième ballon dans son camp, YB ayant de réelles difficultés à exploiter ces situations. En fait, YB s’est le plus souvent montré menaçant quand Servette a manqué le coche proche des buts de Von Ballmoos.
Les plus grosses situations bernoises sont venues lorsque les Grenat ont été trop passifs haut dans le terrain, à l’instar de la sortie de Mall devant Colley en première période. À une exception près: le but annulé à Elia, parti d’un contre-pressing réussi par Lakomy.
Reste que Servette a été plus fort dans l’exploitation des transitions offensives après un deuxième ballon remporté. Par la force du nombre, donc, qui permet de combiner rapidement dans un petit espace. Par l’intensité qu’un Alexis Antunes notamment est capable de mettre dans ces situations-là. Et aussi beaucoup par la capacité qu’a Timothé Cognat à se sortir de la pression en conduite.
C’est notamment ce qui a permis à Servette d’amorcer son action de but. En s’appuyant sur des relais avec Stevanovic et Nishimura pour finalement servir Antunes. La leçon: un deuxième ballon négligé, c’est un contre-pressing raté et beaucoup d’exposition en transition défensive. Ou une opportunité de renverser un championnat, si l’on est Servettien.