Sports d’hiverMontrer au monde qu’on peut skier tôt dans les Alpes suisses
St-Moritz, Davos, Arosa et Engelberg organisent des épreuves de Coupe du monde au milieu du mois de décembre. Tout sauf anodin.
- par
- Robin Carrel Arosa
Les cyclistes, en Belgique, ont leur «semaine sainte» au mois de mars, mais qui dure un peu plus que sept jours. Les stars des pelotons s'affrontent sur le GP E3, ils enchaînent avec Gand-Wevelgem, s'écharpent sur A travers la Flandre, tout ça afin de monter en puissance avant le «Monument» qu'est le Tour des Flandres, pour terminer sur la «Classique» de l'Amstel Gold Race. L'Angleterre a ses instants uniques dans le football également, avec ses matches qui ne s'arrêtent plus entre Noël et Nouvel-An. Et là, je ne vous parle pas de la «March Madness» aux Etats-Unis.
Les enchaînements de ce genre, dans le sport, sont légion. En Suisse, on a notre «Heilige Woche» à nous, quand les skieurs alpins viennent défier la plus belle piste de géant du monde, la Chuenisbärgli d'Adelboden, en janvier. Les descendeurs sont aussi, dans la foulée, dans le canton de Berne pour essayer de dompter le mythique Lauberhorn, avant de slalomer le dimanche. Des instants inscrits dans l'ADN de leur sport et qui en font le sel, alors que pas mal de fédérations commencent à vouloir organiser des slaloms dans un dôme de Dubai ou des finales de SuperCoupe d'Italie en Arabie Saoudite. Les diverses disciplines ont besoin de ces repères pour garder une base historique.
Mais tous les organisateurs d'événements sportifs ne le font pas juste par amour du sport ou pour permettre au plus grand nombre de voir des athlètes de niveau mondial de briller devant les autochtones. C’est normal. S’ils dépensent beaucoup d'argent pour offrir le meilleur des spectacles au fans locaux, c'est aussi avec l'idée de briller aux yeux d’un maximum de clients potentiels et de s’offrir une visibilité globale à moindre frais (un million de budget pour le fond à Davos, 1,5 pour l’alpin à St-Moritz par exemple). Finalement, mettre en place une course de vélo ou de ski sur ses routes et sa neige, c’est un peu comme s’offrir des pages de publicité de plusieurs dizaines de minutes ou même des heures à la télé, sur les réseaux sociaux, dans les journaux ou les magazines.
Didier Défago, d’ailleurs, ne nous disait pas le contraire il y a quelques semaines, quand il a présenté au grand public la future descente binationale au pied du Cervin. «A Cervinia, on a la particularité d'être en partie sur un glacier et donc de pouvoir arriver assez tôt dans la saison. De pouvoir aussi donner la possibilité aux athlètes de vitesse de remonter ce niveau d'équilibre entre les épreuves. D'avoir autant d'épreuves techniques et de vitesse», avait-il commencé, avant d’en venir au vrai nerf de la guerre.
«C'est clair que c'est très important aussi pour les deux régions locales (ndlr: suisse, où est donné le départ, et italienne, où est jugée l'arrivée) de démontrer qu'on peut skier à cette période. Mais ça va plus loin que ça. Ça démontre aussi à tout le Val d'Aoste et au Valais qu'on peut aller sur les pistes à la fin octobre ou au début novembre et que les conditions sont là. Aujourd'hui, les gens ont envie de skier tôt et on doit montrer que c'est possible.»
Les organisateurs d’épreuves des différents sports d’hiver qui se déroulent en Suisse allemande ces jours ne pensent pas le contraire. Alors que le Covid sévit encore, que pas mal d’Anglais ont annulé leur séjour à cause des restrictions de voyage qui changent toutes les semaines, montrer de belles conditions de neige à ceux qui peuvent faire le déplacement pour les Fêtes peut changer la vie des hôteliers locaux.
Le week-end dernier, il y a eu le ski à St-Moritz et ses images magnifiques, même si ventées, le dimanche. A Davos, c’était le fond qui était à l’honneur. «Le réseau de nos pistes a vite été prêt grâce à la neige tombée tôt et en masse. Les conditions sont excellentes et la préparation du circuit s'est bien déroulée, s'est félicitée Barbara Flury, la présidente du comité d'organisation de Davos Nordic. Même en période de tempête, il ne sert à rien de paniquer, mais de montrer qu’on sait faire.»
Après une année où ses épreuves se sont déroulées à huis clos - et dont le budget a pu être assuré en partie grâce à l’intervention des mesures de stabilisation de la Confédération, le public a été de retour en masse et en mode 3G. Les images ont été magnifiques le dimanche et la manifestation devrait pouvoir fêter son demi-siècle dans la joie et la bonne humeur dans deux ans. Mais tout n’a pas été toujours simple à mettre en place…
A Engelberg, auront lieu ce week-end deux concours de Coupe du monde de saut à skis. Dans un canton, Obwald, où l’incidence du coronavirus est parmi les plus fortes de tout le continent - 2338 pour 100'000 habitants sur les 14 derniers jours! - les épreuves vont bel et bien se disputer comme si de rien n’était ou presque, les spectateurs seront les bienvenus et selon la règle des 3G s’il vous plaît.
«Swiss-Ski nous a dit que le Conseil fédéral n’imposera pas de nouvelles mesures avant ce vendredi. Du coup, elles entreront en vigueur seulement lundi», a indiqué l’opportuniste Martha Bächler, co-présidente du comité d’organisation. Les festivités ont été quelque peu réduites, le masque sera obligatoire un peu partout et les VIP devront s’asseoir pour manger. Mais l’important, c’est que le message passe, au pays comme à l’international: «regardez toute cette neige comme c’est beau, venez chez nous».
Là aussi, les images seront belles et diffusées dans le monde entier qui s’y intéresse via les différents canaux d’Eurosport notamment. De quoi convaincre les touristes de revenir après un hiver 2020-2021 où les Suisses se sont réappropriés leurs Alpes, Covid oblige? Ce qui est sûr, c’est que les organisateurs helvétiques auront tout fait pour.