Skicross: De retour au top, Romain Détraz raconte sa longue traversée du désert

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SkicrossDe retour au top, Romain Détraz raconte sa longue traversée du désert

À 29 ans, le Vaudois a beaucoup galéré sur le front de la Coupe du monde, freiné par les blessures. Mais il a persévéré et les récompenses commencent à tomber.

Robin Carrel - Arosa
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Robin Carrel - Arosa
Romain Détraz lors des qualifications de l’épreuve de Coupe du monde d’Arosa, ce lundi.

Romain Détraz lors des qualifications de l’épreuve de Coupe du monde d’Arosa, ce lundi.

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Une commotion cérébrale en Suède il y a bientôt quatre ans, une déchirure ligamentaire au genou gauche quelques mois plus tard, puis une hernie discale en janvier dernier... Après être passé à deux reprises sur le billard, le Vaudois est encore une fois de retour sur le circuit. Et ça marche! Il est monté sur le podium à Val Thorens le week-end dernier. Preuve que quand son corps le laisse tranquille, le niveau est là. Interview avant l'étape nocturne d'Arosa.

Pour commencer simplement: comment ça va?

Ça va bien. Ça fait plaisir de démarrer la saison comme ça. Ça donne la confiance pour la suite.

C'est un peu «Romain Détraz IV, le retour de la vengeance», non?

Ouais, c'est ça. J'ai eu quelques années quand même assez compliquées. Surtout cette année 2023. C'était difficile parce que le dos, ce n'est jamais facile. Avec une hernie discale, le truc, c'est qu'on a mal, on a très mal, mais on peut quand même skier. Mais on ne peut pas se donner à 100 % et on se dit qu'on ne peut pas non plus s'arrêter, parce que ça ne va pas aller mieux.

Vous pouvez skier, vous voulez skier, même si vous n'êtes pas bien...

Exactement. C'était comme ça la saison passée. J'ai commencé à avoir des grosses douleurs à l'été 2022. Puis en voyant les médecins, on s'est dit qu'on allait essayer un traitement conservateur, parce que j'avais déjà eu des problèmes de dos par le passé et puis on avait réussi à le traiter ainsi. Donc on a essayé de faire des infiltrations. J'ai essayé de faire pas mal de physiothérapie, ostéopathie, acupuncture, j'ai même été voir des gourous... J'ai un peu été voir tout et n'importe quoi et le truc, c'est qu'il n'y a eu aucune amélioration. Ça a même empiré. Mais j'ai quand même décidé de commencer la saison, parce que la préparation avait avancé. On était en novembre à ce moment-là et j'ai quand même décidé d'y aller. Ensuite, j'ai vu que ça n'allait pas du tout. Je n'ai pas réussi à me qualifier une seule fois lors des trois courses auxquelles que j'ai participé. Je remarquais bien que je n'arrivais pas à donner 100 %. Donc après j'ai décidé d'aller voir un chirurgien. On a discuté et j'ai été opéré une première fois en janvier et une deuxième fois en mars, parce qu'il y a eu une rechute de l'autre côté! Donc il y a eu des bas, des hauts et des bas. Beaucoup de bas, plus que de hauts. Mais finalement, après la deuxième opération, ça a vraiment fait «on/off». Les douleurs se sont complètement arrêtées. Pratiquement du jour au lendemain.

«J'ai essayé de faire pas mal de physiothérapie, ostéopathie, acupuncture, j'ai même été voir des gourous... J'ai un peu été voir tout et n'importe quoi»

Roman Détraz, skicrosseur vaudois

Votre corps arrive à comprendre qu'il n'a plus mal?

Ouais et c'était assez bizarre au début. Mais pour la tête, ça a fait un énorme bien de ne plus avoir ces douleurs. C'était important aussi. Parce que c'était aussi difficile mentalement que physiquement.

Vous n'avez jamais eu envie de tout envoyer bouler et d'aller tranquillement vous poser derrière un bureau?

Je ne vais pas vous mentir, ça m'a traversé l'esprit. Mais pas longtemps, parce que je me suis dit qu'il y avait encore l'option opération. Si ça n'avait pas marché, là je pense que j'aurais dit «Bon bah voilà quoi, j'ai tout essayé, ça n'a pas marché». Mais là, après l'opération, j'ai vraiment senti que quelque chose avait changé. Je me suis senti à nouveau sur la pente ascendante, plus que descendante. Assez vite, j'ai réussi à me remotiver, puis à travailler dur pour essayer de revenir. Le truc c'est que tu ne sais jamais si tu peux revenir à ton meilleur niveau ou pas, après deux opérations. Ce n'est jamais anodin: on va quand même un peu te triturer dans la colonne.

Et la préparation s'est déroulée comme vous le vouliez?

J'ai fait toute la rééducation de mars à avril-mai. Et depuis ce moment-là, j'ai pu faire une préparation quasiment normale, en me focalisant beaucoup sur le tronc, pour essayer de protéger la colonne qui n'est maintenant plus toute neuve. Mais, du coup, j'y ai été crescendo. J'ai commencé avec des poids très légers, puis j'ai augmenté au fur et à mesure de la préparation et je me suis toujours senti bien. Il y a eu des moments où j'ai commencé à avoir des douleurs, mais c'était passager à chaque fois et c'est assez vite reparti. Ainsi, j'étais confiant sur le fait que je pourrais skier. J'ai pu remettre les skis vers fin août, début septembre. Ça s'est aussi bien passé. Maintenant, je sens que l'enchaînement est difficile. Je ne peux plus skier six ou sept jours d'affilée à 100 %. Ca, je pense que c'est fini. Après, je ne suis plus tout jeune non plus, hein...

«Je ne peux plus skier six ou sept jours d'affilée à 100 %. Ca, je pense que c'est fini»

Roman Détraz, skicrosseur vaudois

Vous vous connaissez bien...

C'est ça. Je sais ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. Je planifie mon entraînement en fonction du ressenti. Et puis la préparation s'est très bien passée. Et puis le come-back. Je n'aurais pas pu rêver mieux que ce podium du week-end dernier. Remonter dessus après tant d'années!

Cela montre qu'avec une vraie préparation et quand votre corps vous laisse tranquille, le niveau est là. Cela doit valider pas mal de choix!

C'est clair. Et ça me prouve que tous les efforts fournis jusqu'à maintenant n'ont pas été vains et que je ne suis pas fou à me dire que je m'acharne ou que je ferais mieux d'arrêter. Donc là, le podium, c'est la consécration. Ça me dit que j'ai bien fait de continuer, de m'accrocher, de persévérer et de ne rien lâcher.

Mais quand même... Certains de vos collègues devaient se dire «le pauvre»...

Bah ouais, surtout dans le milieu sportif. Mais quand je discute avec des amis qui ne sont pas forcément du milieu et qu'ils me disent: «Est-ce que tu es sûr de vouloir continuer? Est-ce que tu ne vas pas foutre en l'air ta santé et tout ça?», évidemment, ça fait douter un peu. Mais assez vite, j'arrivais à me refocaliser et ensuite à me dire «Mais non, c'est vraiment ma passion, c'est vraiment ce que je veux faire». Je n'en ai pas encore fini avec ce sport.

Et vous voilà de retour là où vous aviez gagné il y a 7 ans.

Voilà... 2016, ça fait déjà un moment.

Que diriez-vous aujourd'hui au Roman Détraz de 2016?

On ne peut pas changer le passé, mais je lui aurais dit: «Accroche-toi». Il va y avoir des hauts, comme cette victoire à Arosa il y a 7 ans. Mais il va y avoir beaucoup plus de bas. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras. Il ne faut rien lâcher, continuer et croire en ses rêves. Ouais, c'est ça, croire en ses rêves et travailler dur pour y arriver. Le travail finit toujours par payer!

À Arosa, c'est un sprint et c'est de nuit, c'est vraiment très différent de d'habitude?

Totalement. Le soir, la préparation est différente par rapport aux courses en début d'après-midi. On doit manger différemment aussi, le réveil musculaire ne se fait pas de la même manière. On a beaucoup plus de temps avant la course et il faut savoir le gérer. Là, ce lundi, on avait des interviews et après midi, il faut se préparer. Et là, il neige beaucoup, donc on verra ce qu'il va se passer pour les tests de ski. On en a fait dimanche, mais il ne neigeait pas et la piste était déjà très lente. Cela me fait penser à 2017. On avait pu faire les qualifications, mais la course avait finalement été annulée après quelques runs. On se prépare de toute façon comme si ça devait se courir.

Le skicross est toutefois moins dépendant des conditions que la descente en alpin, non?

Oui, mais il faut quand même avoir un minimum de vitesse. À Arosa, il y a un gros virage négatif, qui remonte pas mal cette année. Donc si on n'arrive pas à le passer avec de la vitesse, ce n'est pas terrible pour la télévision. Ce n'est pas impressionnant à suivre. Il faut que ça aille un minimum vite pour qu'il y ait des dépassements et du spectacle. Mais c'est vrai qu'on peut skier dans des conditions bien pires qu'en descente.

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