Burkina FasoLes putschistes accusent la France d’aider l’ex-chef d’État, Paris dément
Les militaires qui ont pris le pouvoir au Burkina Faso ont accusé la France de soutenir le lieutenant-colonel Damiba, renversé la veille, dans la préparation d’une contre-offensive. Paris s’en défend.

Le siège de la télévision burkinabé est sous bonne garde, signe des tensions qui règnent au Burkina Faso.
AFPAu Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé au pouvoir en janvier par un putsch, a été démis de ses fonctions par des militaires, vendredi soir, et remplacé à la tête de la junte par Ibrahim Traoré, un jeune capitaine de 34 ans. Dans une brève allocution télévisée, les putschistes ont déclaré que le lieutenant-colonel Damiba «se serait réfugié au sein de la base française à Kamboinsin, afin de planifier une contre-offensive» pour «semer le trouble au sein de nos forces de défense et de sécurité».
Le Ministère des affaires étrangères français a réagi et «dément formellement toute implication dans les événements en cours depuis hier au Burkina». «Le camp où se trouvent nos forces françaises n’a jamais accueilli Paul-Henri Sandaogo Damiba, pas davantage que notre ambassade», poursuit Paris.
La France est présente au Burkina Faso avec la force Sabre, un contingent qui forme des soldats burkinabés, basé à Kamboinsin, à une trentaine de kilomètres de la capitale Ouagadougou. Pour l’heure, le sort et la localisation du lieutenant-colonel Damiba restent inconnus.
L’influence croissante de Moscou
Dans leur déclaration, signée d’Ibrahim Traoré, les putschistes mentionnent leur «ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme». Vendredi, quelques heures avant le coup d’État, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté dans la capitale pour réclamer le départ de Paul-Henri Sandaogo Damiba, mais aussi la fin de la présence militaire française au Sahel et une coopération militaire avec la Russie. L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone, depuis ces dernières années, et il n’est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.
Après une nuit et une matinée calmes, la situation était de nouveau tendue, samedi, à la mi-journée, à Ouagadougou, après des tirs puis des déploiements de militaires dans les rues. Les principaux axes de la ville étaient bloqués, notamment le quartier de Ouaga 2000 qui abrite la présidence. Et des hélicoptères survolaient à basse altitude le centre-ville, selon un journaliste de l’AFP.
Pas d’unité au sein de l’armée
Selon plusieurs sources sécuritaires, ce coup de force révèle de profonds désaccords au sein de l’armée, l’unité d’élite des «Cobras» déployée dans la lutte antijihadiste ayant reproché notamment à Paul-Henri Sandaogo Damiba de ne pas mobiliser toutes les forces sur le terrain.
«Ce sont les mêmes jeunes officiers qui étaient déjà aux manœuvres lors du premier coup d’Etat en janvier. Damiba a été lâché par sa base qui s’est sentie trahie. Les choses devront être recentrées sur la lutte antijihadiste», décrypte l’analyste politique Drissa Traoré.
La communauté internationale a de son côté condamné ce nouveau coup de force. Samedi, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a «fermement» condamné «toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes». L’Union africaine a, elle, dénoncé un «changement anticonstitutionnel de gouvernement» et l’Union européenne estimé que le coup de force mettait «en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois» pour la transition.