Nucléaire iranienWashington accuse Téhéran d’être responsable de l’impasse
Les États-Unis et les Européens se sont montrés déçus par l’attitude de l’Iran lors des négociations sur son programme nucléaire à Vienne.
Les États-Unis ont accusé vendredi Téhéran d’être responsable de l’impasse dans les négociations de Vienne sur le programme nucléaire iranien, rejoignant les Européens qui ont fait part de leur «déception et préoccupation» face aux exigences de la République islamique.
Ces pourparlers, qui avaient repris en début de semaine, marquent une pause à partir de vendredi et devraient reprendre en milieu de semaine prochaine pour permettre de faire le point sur les propositions iraniennes, selon des sources diplomatiques.
«Le nouveau gouvernement iranien n’est pas venu à Vienne avec des propositions constructives», a déclaré vendredi la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki. «Nous espérons toujours une approche diplomatique, c’est toujours la meilleure option», a-t-elle ajouté. Mais «l’approche de l’Iran cette semaine n’a pas été, malheureusement, de tenter de résoudre les problèmes en suspens».
«Décisions importantes» -
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a lui prévenu que si Téhéran continuait à développer son programme nucléaire en faisant traîner les négociations, «nous nous tournerons vers d’autres options». «L’Iran ne semble pas sérieux sur ce qu’il doit faire pour revenir au respect de l’accord, c’est pourquoi nous avons mis fin à ce cycle de discussions à Vienne», a-t-il ajouté. «L’Iran a des décisions très importantes à prendre dans les prochains jours», a-t-il conclu.
Selon des diplomates européens, les délégations retournent ce week-end dans leurs capitales respectives et les pourparlers reprendront en milieu de semaine prochaine «pour voir si ces divergences peuvent être surmontées ou non», si cet «écart peut être comblé dans un temps réaliste».
«Téhéran revient sur la quasi-totalité des compromis qui avaient été difficilement trouvés» au cours du premier cycle de négociations entre avril et juin, ont déploré des hauts diplomates de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni (E3), dénonçant une «marche arrière». Malgré ces commentaires sévères, les diplomates européens se disent «pleinement engagés dans la recherche d’une solution diplomatique». «Le temps presse», insistent-ils.
Sauver l’accord de 2015
L’enjeu est de taille: il s’agit de sauver l’accord international de 2015 censé empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique. Conclu entre l’Iran et six grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni), il s’est délité à la suite du retrait unilatéral des États-Unis en 2018 et du rétablissement des sanctions. En riposte, Téhéran s’est affranchi de la plupart des limites qu’il avait imposées à son programme nucléaire.
Les discussions de Vienne visent à faire revenir dans le giron Washington, qui y participe de manière indirecte. Les différentes parties s’étaient quittées en juin avec l’espoir d’une conclusion imminente, mais l’arrivée au pouvoir en Iran du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi a changé la donne.
L’accord, connu sous son acronyme anglais JCPOA, offrait à Téhéran la levée d’une partie des sanctions étouffant son économie en échange d’une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous strict contrôle de l’ONU.
Côté iranien, on indique avoir fait deux propositions, l’une sur «la levée des sanctions», l’autre «concernant les activités nucléaires». «Désormais, l’autre partie doit examiner ces documents et se préparer pour négocier avec l’Iran sur la base des textes soumis», a déclaré le négociateur en chef de l’Iran, Ali Bagheri.
«Volonté sérieuse»
Avant de repartir pour Téhéran, Ali Bagheri a évoqué les «objections» formulées par les Européens. «Je leur ai dit que c’était normal car nous n’allions pas présenter des documents et suggestions qui correspondent à leurs points de vue», a-t-il expliqué sur l’agence officielle Irna. Il a également réaffirmé «la volonté sérieuse» de son pays de parvenir à un accord.
Le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian a pour sa part qualifié «le processus de bon mais globalement lent», lors d’un entretien téléphonique avec son homologue européen Josep Borrell. Et il a souhaité «un changement dans l’approche de certaines parties qui doivent abandonner leurs propos menaçants».
Selon un des diplomates européens, «les propositions de Téhéran ne peuvent pas fournir de base à la négociation, il n’est pas possible d’avancer» sur ce terrain-là.
Devant le palais Cobourg, là même où avait été conclu ce texte historique, l’ambassadeur chinois s’est voulu moins pessimiste, évoquant «des discussions substantielles». «L’ensemble des parties ont accepté de faire une courte pause pour prendre des instructions. C’est naturel et nécessaire, et nous espérons que cela donnera un nouvel élan aux négociations», a déclaré Wang Qun aux journalistes.
Le président français a toutefois estimé, au cours d’une visite à Dubaï, qu’il ne fallait «pas exclure» que cette session «ne se rouvre pas rapidement». Emmanuel Macron a par ailleurs appelé à engager une «dynamique plus large» avec les pays de la région.