CinémaCritique, Asghar Farhadi prêt à renoncer à représenter l’Iran aux Oscars
«Si la présentation de mon film par l’Iran aux Oscars vous a amenés à conclure que je suis sous votre drapeau, je déclare que je n’ai aucun problème à annuler cette décision» a affirmé le réalisateur iranien.
Le célèbre cinéaste iranien Asghar Farhadi s’est livré à une virulente critique contre le gouvernement dans une lettre ouverte et s’est dit prêt à renoncer à représenter son pays aux Oscars. «Comment peut-on m’associer de manière trompeuse à un gouvernement dont les médias extrémistes n’ont jamais cessé ces dernières années de me détruire, me marginaliser, me stigmatiser», répond-il sur sa page Instagram à ceux qui l’accusent d’adopter une position ambiguë face aux autorités.
Le cinéaste, qui vit entre l’Iran et l’étranger, a réalisé la majorité de ses films dans son pays, dont le dernier «Un héros» tourné à Chiraz, choisi pour représenter l’Iran aux prochains Oscars. «J’ai explicitement exprimé mon point de vue sur les souffrances que [l’État] a imposées durant des années à la nation», assure-t-il en faisant référence notamment à la répression des manifestations de 2017 et 2019 et la «cruelle discrimination» contre les femmes ainsi que la gestion de la crise sanitaire.
«Si la présentation de mon film par l’Iran aux Oscars vous a amenés à conclure que je suis sous votre drapeau, je déclare explicitement que je n’ai aucun problème à annuler cette décision», dit-il à l’adresse des autorités. «Je n’ai jamais eu la moindre affinité avec votre attitude et vos idées rétrogrades (bien que) je n’ai jamais parlé jusqu’à présent de la persécution que vous m’avez fait subir. Vous avez confisqué mon passeport à l’aéroport à plusieurs reprises et organisé des séances d’interrogatoire».
Quatre fois
Asghar Farhadi a déjà représenté la République islamique aux Oscars à quatre reprises depuis 2009. Il a accédé à la célébrité grâce à «Une séparation» (2011), chronique d’un divorce qui avait reçu l’Oscar et le Golden Globe du Meilleur film en langue étrangère, le César du Meilleur film étranger et l’Ours d’or du Festival de Berlin. En 2017, il a remporté l’Oscar du Meilleur film étranger pour «Le Client», une coproduction française qui raconte l’histoire d’un couple d’acteurs, Emad et Rana, déstabilisé après l’agression de Rana.
Réagissant à la lettre ouverte, le quotidien ultraconservateur Kayhan «regrette vivement» que l’État ait choisi Asghar Farhadi pour représenter le pays aux Oscars. «Les récompenses des festivals et les investissements étrangers ont apparemment changé Farhadi en (l’encourageant) à donner une image lugubre et sale de l’Iran», juge le journal. En revanche, pour le quotidien réformateur Shargh, «l’image de Farhadi ne correspond ni à ceux qui le louent, ni à ceux qui le blâment en Iran. Il a toujours exprimé clairement ses positions sur les questions sociopolitiques».