New YorkUn ex-délinquant devenu policier grand favori pour remporter la mairie
Eric Adams pourrait devenir le deuxième maire afro-américain de l’histoire de New York. Il devra notamment gérer le retour à la normale des écoles et commerces, après la pandémie.
Sauf coup de théâtre, un ancien policier noir et militant antiraciste de New York, Eric Adams, devrait être élu, ce mardi, maire de la mégapole américaine, un parcours hors du commun pour cet enfant pauvre de Brooklyn, jeune délinquant devenu politicien à poigne du Parti démocrate.
Le poste est réputé le plus périlleux après celui de président des États-Unis: de fait, le démocrate Bill de Blasio s’en ira, le 31 décembre, à des sommets d’impopularité, bien qu’il soit, entre autres, parvenu à sortir une ville de plus de huit millions d’habitants du chaos de la pandémie (plus de 34’000 morts).
Revanche sociale
Si le démocrate Eric Adams, 61 ans, bat comme prévu dans les urnes son rival républicain Curtis Sliwa, 67 ans, il sera seulement le deuxième maire noir de l’histoire de la capitale économique et culturelle des États-Unis, après David Dinkins (1990-1993).
Très ému après avoir voté dans son quartier natal de Brooklyn, Eric Adams a jugé que cette élection représentait une sorte de revanche sociale pour le «petit gars» qu’il était dans sa jeunesse et, donc, pour les New-Yorkais des classes populaires. «Nous avons déjà gagné», a-t-il lancé devant des journalistes en séchant ses larmes, sans lâcher un portrait de sa mère: «Je ne suis pas censé être ici. Mais puisque j’y suis, les New-Yorkais vont se rendre compte chaque jour qu’ils méritent également d’être dans cette ville.»
Les bureaux de vote resteront ouverts dans les cinq arrondissements de New York jusqu’à 21h (2h du matin en Suisse) pour 5,5 millions d’électeurs, dont 170’000 ont déjà voté de manière anticipée, la dernière semaine d’octobre.
Adversaire haut en couleur
Dans les derniers jours de la campagne, axée sur l’insécurité, le probable futur maire s’est accroché à la télévision avec son rival républicain Curtis Sliwa, personnage haut en couleur, toujours coiffé d’un béret rouge et qui a créé, en 1979, une sorte de milice, les «anges gardiens», patrouilles bénévoles censées lutter contre les agressions dans les rues, au côté de la police.
Pourtant, l’ancien policier Eric Adams s’est engagé à être intraitable contre les crimes et délits, dont les indicateurs sont passés au rouge en 2020. Il s’affiche aussi en défenseur des classes moyennes et populaires, et en pointe contre les discriminations raciales.
Proche des milieux d’affaires
Rattaché à l’aile droite du Parti démocrate – contrairement à la très à gauche représentante de New York au Congrès Alexandria Ocasio-Cortez – il se déclare également proche des milieux d’affaires de «Big Apple» («Grosse Pomme»), le poumon financier de la planète. Le maire de New York gère le plus gros budget municipal des États-Unis – 98,7 milliards de dollars (un petit peu plus que 90 milliards de francs) pour l’exercice 2021-2022 – consacré en partie à la sortie de la crise sanitaire.
Comme ses prédécesseurs, Eric Adams aura la main sur la plus importante force de police du pays (NYPD, 36’000 employés), dont il devra poursuivre les réformes, mais sans se mettre à dos son ancien corps d’origine, puissant et syndiqué. Car le prochain maire garde son ancien métier au coeur: il raconte depuis des années que, jeune délinquant de 15 ans, il s’était fait violemment interpeller et avait alors décidé de «changer le système de l’intérieur».
Fermer la terrible prison de Rikers Island
Devenu policier lorsque New York était un coupe-gorge, dans les années 1980, il y a passé 22 années et atteint le rang de capitaine. En 1995, il a fondé un syndicat qui se battait contre le racisme. Dans son histoire, la police new-yorkaise a souvent été accusée de fermer les yeux sur des agents violents, racistes et corrompus. Et elle fut encore montrée du doigt, y compris via des plaintes en justice, pour la répression de manifestations antiracistes du mouvement Black lives matter, en 2020, après le meurtre de George Floyd par un policier blanc, à Minneapolis.
Dans une ville qui a payé un lourd tribut à la pandémie, Eric Adams devra également gérer les retours à la normale des écoles, bureaux et commerces. Lutter aussi contre les inégalités sociales criantes, le mal-logement, les infrastructures en piteux état, les risques climatiques. Faire fermer enfin Rikers Island, une terrible prison surpeuplée, ultraviolente et insalubre.
Policier, sénateur, végane
Après avoir quitté la police, en 2006, il avait été élu sénateur de l’État de New York, puis président de l’arrondissement de Brooklyn, tremplin vers la mairie de New York. Eric Adams est aussi fier d’être devenu végane en 2016, pour soigner son diabète, et a écrit un livre de cuisine pour convaincre les Afro-Américains de faire de même.