États-UnisL’Ohio, théâtre d’un vote test pour l’avortement
Les partisans ont axé leur campagne sur la nécessité d’empêcher l’ingérence de l’État dans des décisions «médicales personnelles». Pour les opposants, la proposition «va beaucoup trop loin».
L’État de l’Ohio, dans le Midwest américain, est appelé à se prononcer, mardi, sur l’inscription ou non dans sa Constitution du droit à l’avortement, un scrutin test qui devrait permettre aux deux camps d’ajuster leur stratégie nationale sur cette question centrale, avant la présidentielle de 2024.
Les groupes pro et antiavortement se sont mobilisés, dimanche, à travers l’État pour appeler les électeurs à aller voter avant la fin du scrutin, mardi soir. «Nous aurons des gens dehors aujourd’hui, lundi et mardi jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, pour appeler et frapper à la porte d’autant de personnes que possible, afin de parler à chaque électeur», explique Jaime Miracle, directrice adjointe de l’association proavortement Pro Choice Ohio, lors cette journée ensoleillée de novembre.
Il y a presque un an et demi, la Cour suprême des États-Unis, dominée par les conservateurs, a cassé son arrêt «Roe v. Wade», qui garantissait depuis un demi-siècle le droit fédéral des Américaines à interrompre leur grossesse. La question est donc revenue aux États. Plusieurs se sont empressés de restreindre voire d’interdire l’IVG (interruption volontaire de grossesse), d’autres ont au contraire renforcé sa protection.
Une fillette violée a dû avorter dans un autre État
Dans l’Ohio, une loi est entrée en vigueur, interdisant la plupart des avortements – même en cas de viol ou d’inceste – dès qu’un battement de cœur peut être détecté. C’est-à-dire vers six semaines, souvent avant même qu’une femme ait connaissance de sa grossesse. Ce texte est actuellement en suspens, en raison d’une bataille juridique.
En attendant une décision, il est encore possible d’avorter dans l’Ohio jusqu’à environ 22 semaines de grossesse. Mais pendant le court temps durant lequel la loi ultrarestrictive a été en vigueur, une fillette de 10 ans enceinte après un viol a dû se rendre dans l’Indiana voisin pour avorter, une affaire qui avait choqué dans tout le pays.
Plusieurs autres votes sur l’avortement se sont soldés, l’an dernier, par la victoire du camp proavortement, comme dans le Kansas, au grand dam et à la surprise des républicains, qui ont dû remettre en cause leur message. Le scrutin de l’Ohio est donc l’occasion pour les deux camps d’affiner ou de recadrer leur stratégie, avec la présidentielle de 2024 en ligne de mire.
Éviter toute ingérence de l’État
Les défenseurs d’«Issue 1» – le nom donné à l’amendement – ont axé leur campagne sur la nécessité d’empêcher toute ingérence de l’État dans des décisions «médicales personnelles». Et pour donner encore plus de poids à ce discours, la coalition Ohioans United for Reproductive Rights a, dans l’un de ses spots de campagne, fait appel à un religieux.
«En tant que pasteur, j’ai conseillé des familles sur les décisions personnelles les plus importantes, même l’avortement. L’avortement est une décision familiale privée. L’État doit rester en dehors de la prise de décision familiale», dit le révérend Tim Ahrens.
Une proposition «radicale» pour les opposants
Les opposants à l’avortement, comme la coalition Protect Women Ohio, qualifient l’amendement d'«extrême». «C’est une proposition radicale, et que vous soyez pro-choix ou pro-vie, elle va beaucoup, beaucoup trop loin», a fustigé, dimanche, le gouverneur républicain de l’État, Mike DeWine. «Elle inscrirait dans notre Constitution le droit d’avorter jusqu’à la naissance, donc à tout moment de la grossesse», a-t-il poursuivi – une affirmation démentie par le camp adverse et dénoncée comme de la désinformation.
«Le droit de prendre ses propres décisions»
Le scrutin se clôt mardi soir, mais les électeurs de l’Ohio votent par anticipation depuis des semaines déjà. Il s’agit de dire oui ou non à un amendement à la Constitution locale soumis par une initiative citoyenne proavortement. Ce dernier prévoit que toute personne ait «le droit de prendre et d’appliquer ses propres décisions» en matière notamment d’avortement, de contraception et de traitement lié à la fertilité ou aux fausses couches.
Le texte précise toutefois que l’avortement peut être interdit une fois que le fœtus est considéré comme pouvant être viable en dehors de l’utérus. Mais un tel avortement ne peut être prohibé si le médecin juge que la vie ou la santé de la femme est en danger, poursuit l’amendement proposé.