Procès du braquage de ChavornayÀ la barre, la fille du convoyeur de fonds prise en otage raconte sa peur
Kidnappée par des malfrats pour faire pression sur son père, Sarah B. a témoigné, ce vendredi à Lyon, de ce jour de 2018 où elle a été ligotée, bâillonnée et enfermée dans une poubelle.
«Écrasée», «terrorisée». Sarah B., 26 ans, la fille d’un convoyeur de fonds enlevée chez elle par une équipe de malfaiteurs lyonnais et utilisée comme otage pour le braquage d’un fourgon blindé à Chavornay (VD), le 8 février 2018, a raconté sa peur, vendredi devant la Cour d’assises du Rhône.
Cinq hommes de 30 à 48 ans sont jugés à Lyon pour leur implication à divers degrés dans cette attaque qui a rapporté un butin de 25 millions de francs suisses et pour la séquestration de cette frêle jeune femme, âgée à l’époque de 21 ans. Deux des accusés sont absents, le cerveau présumé du casse se trouvant en détention en Tunisie, l’autre à l’hôpital – et son dossier disjoint.
Surprise par de faux plombiers
Sarah B. a expliqué avoir été surprise à son domicile par deux faux plombiers le 8 février 2018 au soir. «Je me suis sentie écrasée par cette personne encagoulée», se remémore-t-elle en évoquant la taille d’un de ses ravisseurs, plus de 1,90 mètre. «J’étais terrorisée. Mon instinct de survie m’a dit qu’il fallait faire ce qu’il me demandait.»
Elle se souvient avoir été ligotée, bâillonnée avec du scotch, enfermée dans une poubelle et transportée à bord d’une camionnette, jusqu’à un secteur désert, à l’extérieur de Lyon, en pleine nuit. «À ce moment-là, j’avais peur pour ma vie, je ne savais pas ce qui allait se passer», rapporte-t-elle.
Elle redoute le meurtre, le viol et même le trafic d’organes, jusqu’à ce que ses ravisseurs lui demandent d’appeler son père, alors au volant de son fourgon blindé en Suisse. Ils l’utilisent comme moyen de pression, pour le forcer à débloquer les portes du véhicule sans alerter son entreprise.
Abandonnée sur la route, dans le froid et sans manteau
Une fois le butin volé, les malfaiteurs prennent son manteau, son écharpe et nettoient ses mains avec des lingettes de javel, pour effacer toute trace d’ADN, avant de l’«abandonner sur une nationale, sans rien, sans téléphone». «J’avais froid», se souvient-elle en se triturant les mains.
Sa libération ne marque pas la fin de ses ennuis. Le surlendemain, elle est placée en garde à vue, les enquêteurs ayant des doutes sur le rôle de son père dans l’attaque. Un carton de billets a en effet été laissé sur les lieux du braquage, pour un montant de 605’000 francs suisses – possible récompense.
«J’ai envie de me relever»
«Je me suis fait menotter devant mes petites sœurs, ça c’est inoubliable, c’est horrible. J’ai suivi toute la procédure que je ne voyais que dans les séries», lance-t-elle. Suivent trois jours de garde à vue et d’interrogatoires, «c’était surnaturel». Une fois libérée, sa vie change, minée par la peur: «J’ai découvert que les malfaiteurs étaient de la région, dans ma ville (…). J’ai fui, j’ai quitté mon travail, je suis retrouvée chez mes parents. C’était comme un retour en arrière.»
Séances de psy et hypnose ne suffisent pas à la libérer de ses cauchemars, elle recourt pour se rassurer à différents moyens de veille, comme la géolocalisation permanente. «Tout est danger, tout est menace. J’ai envie de me relever», dit-elle d’une voix déterminée, en espérant que le procès apporte «une conclusion à toute cette histoire».
Dans le box des accusés, l’ancien collègue de son père, Yusuf K., 31 ans, est accusé d’avoir renseigné l’équipe de braqueurs sur ses habitudes, ce qu’il conteste. Son voisin de box, jugé pour recel, affirme qu’il ignorait tout de l’origine du butin. Le troisième, poursuivi pour association de malfaiteurs, conteste avoir mené les repérages pour le braquage. Le verdict du procès attendu mercredi.