Bande dessinéeTardi offre un dernier Adèle Blanc-Sec pour la route
Il avait promis que sa série compterait 10 tomes, le dessinateur français vient de sortir l’ultime, mettant un terme à une aventure de 46 ans.
- par
- Michel Pralong
En 1976, une nouvelle héroïne fait son apparition dans le monde de la BD, affublée d’un nom pour le moins étrange, Adèle Blanc-Sec. L’action débute en 1911, à Paris, dans la tradition des feuilletons populaires de l’époque, avec du fantastique délirant. Et de l’humour en plus. C’est totalement nouveau et il y a ceux qui vont adorer et ceux que cela va rebuter.
Car il faut s’accrocher pour se souvenir de la pléthore de personnages que Jacques Tardi fait défiler, et être prêt à croire aux pires invraisemblances pour se régaler de ces aventures. Alors que les rares héroïnes BD de l’époque valaient surtout pour leur plastique, Tardi «voulait une jeune femme qui vivait normalement sans montrer son anatomie toutes les cinq minutes», dit-il dans le dossier de presse de son dernier album. Femme normale, peut-être, mais son univers ne l’est pas. Ptérodactyle, noyé à deux têtes, monstruosité tentaculaire et invasion de minotaures: ce n’est pas pour rien que la série s’appelle «Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec».
15 ans entre le 9 et le 10
Les deux premiers tomes sortent la même année, l’éditeur ayant demandé de pouvoir lire les scenarii bien en avance pour ne rien laisser passer. On se méfiait du bonhomme, qui avait déjà sorti «Adieu Brindavoine» (qui sera en fait le préquel de la série ou «Le démon des glaces»). En 1985, moins de 10 ans après la création de son héroïne, Tardi en est au tome 6. Ensuite, il va être moins assidu auprès d’Adèle. Le tome 9 est sorti en plus de 22 ans plus tard, en 2007. Et donc le 10e et ultime, comme il l’avait annoncé depuis longtemps, paraît 15 ans après.
«Quand j’ai publié le neuvième, j’ai commencé le suivant. Au bout de quelques planches, continuer Adèle m’a agacé. J’ai eu envie de faire autre chose, donc j’ai arrêté. Le problème est que j’ai tout laissé en plan.» Or il avait en tête une sorte de vague terroriste avec des sosies d’Adèle et d’une épidémie. Il a été rattrapé par la réalité avec les attentats de Paris et le Covid. «Les clones, je m’en suis débarrassé et l’épidémie, je l’ai traitée de façon humoristique. Mais cela m’a encombré. Je ne voulais pas qu’on ait l’impression que j’étais opportuniste et profitais de l’actualité».
On retrouve donc au fil des pages de ce «Bébé des Buttes-Chaumont» tout ce qui fait le sel d’Adèle. Une multitude de personnages, des monstres, du délire et, bien sûr, ce Paris que Tardi dessine comme nul autre. Il use pour une fois de nombreux flash-back avec des extraits d’anciens albums, en souvenir de sa série. Celle qui, alors qu’elle se termine en 1922, évite la Première Guerre mondiale que Tardi a tant traitée. Il a en effet plongé son héroïne dans une sorte de stase durant tout le conflit.
Interdiction de reprendre Adèle
Adèle Blanc-Sec se termine, et c’est exceptionnel, sur une fin heureuse. Suivie par cet avertissement: «Ainsi s’achèvent pour toujours les Aventures Extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec. Gare aux faussaires qui seraient tenté(e) s d’y donner suite!!!» Le message est clair. Tardi exclut tout repreneur. Adieu Adèle, on ne t’oubliera pas!
Tardi, lui, dit ne pas avoir de projets. Il a failli refaire un Burma, ne touchera plus à 14-18 et hésite à faire un polar politique. «Tiens, je vais pouvoir enfin faire de la broderie».